Récits

Hiver 1 – Nathaliochka 0

Hier, j’étais fière.

Parce que je pensais avoir fait la nique à Monsieur Hiver.

« Je te fuck profond, mon grand »

D’abord, j’ai évité les embouteillages qui immobilisaient la ville grâce à des entourloupes que seul un grand cerveau peut élaborer.

Arrivée à la piscine, j’ai eu l’impression d’être la seule survivante de la guerre des flocons qui se livrait dehors. J’ai savouré le fait que j’étais seule dans l’eau turquoise en prenant beaucoup de place avec mes bras.

Ensuite, j’ai laissé ma voiture sur le parking pour pouvoir rentrer avec Caro (Il faut savoir qu’on habite dans une rue dans laquelle Heidi-petite-fille-des-montagnes aurait pu faire ses premiers pas). Axelle a dit : « C’est vrai que c’est plus prudent, parce que tu conduis mal« .

Quand la voiture de ma soeur a entamé la côte sans la moindre glissade, je jubilais presque. « Monsieur Hiver je te nique ta race, parce qu’à part les chaussettes un peu mouillées, je n’aurai ressenti aucun de tes désagréments », pensai-je victorieuse.

En sortant de la voiture, j’ai trouvé que quelque chose clochait. Quelque chose dans l’ambiance qui régnait autour de nous. Un truc indéfinissable.
Et puis là j’ai compris : le quartier entier était plongé dans le noir. Un noir d’encre.

Un silence religieux recouvrait nos chaumières.

Même Babette la chouette fermait son bec.

Nous nous sommes tues devant tant de noir et de silence. Et quand Caro a sorti son trousseau de clés, je lui ai dit, avec un soupçon d’angoisse dans la voix : « Mais comment va-t-on faire pour monter trois étages dans le noir ??? ». Ma sœur, rassurante par son côté pratique m’a répondu : « J’ai une lampe de poche sur mon téléphone ».

Quand on a ouvert la porte, une de nos voisines avait déposé des bougies dans les escaliers, ce qui était certainement très attentionné de sa part mais ça foutait un peu les boules, genre ambiance Amityville.

« Sympa, la déco »

Rentrant chez moi, j’ai souffert d’un aspect de ma personnalité qui me joue parfois des mauvais tours : celui de ne jamais avoir à disposition des objets qui s’apparentent à la vie pratique : je n’ai tout simplement pas de lampe de poche.

D’abord, j’ai râlé un peu contre moi-même. Puis j’ai réalisé que, quand bien même j’en posséderais une par miracle, je resterais de toutes façons ce genre de fille qui ne sait pas où elle l’a rangée et qui doit fouiller un tas de tiroirs à l’aveugle et qui réussirait éventuellement à se blesser les mains contre un objet contondant mais certes pas à dénicher cette putain de lampe.

M’avisant de cet état de fait, je me relaxai un peu (pour autant que faire de la fumée avec la bouche à l’intérieur d’un appartement puisse apporter un quelconque bénéfice relaxant) et décidai d’ouvrir le clapet de mon téléphone afin de bénéficier de sa douce lumière bleutée.

Penserez-vous que j’en rajoute des couches si je vous disais que sur mon écran apparut le message « batterie faible » ?

« Pas de souci », me dis je « ce ne doit pas être extrêmement compliqué de se brosser les dents sans lumière ».

Sauf que si, un peu quand même.

Par exemple pour que le dentifrice atterrisse sur la brosse.

Quand j’ai allumé le robinet, il s’est mis à tourner fou. Il n’y avait pas d’eau non plus.

A ce stade, j’ai émis un râle.

Caro était elle aussi dans sa salle de bains, faisant le même constat que moi.
Je lui parlai à travers la cloison : « Peut-être que si on fait fondre de la neige sur une bougie, on pourra survivre quelques jours ». Elle m’a répondu : « T’es vraiment conne ».

Je crois que le froid la rend agressive.

Je suis allée me coucher.

Que faire d’autre sans électricité, sans chauffage et sans eau ?

J’ai saisi mon ordinateur avec allégresse : sa batterie à lui était chargée. Quand tout va mal, il vous reste au moins Facebook.

On me retrouverait congelée-déshydratée en train de surfer sur les réseaux sociaux.

Belle génération.

Sauf que.

Sauf qu’internet était coupé lui aussi. Evidemment, Madame la Cruche.

Je me suis allongée.

J’ai écouté le silence et j’ai savouré la première nuit sans les sinistres hululements de Babette en sentant mon nez, qui dépassait de ma couette, geler lentement.

hibernatus« On la réveillera dans 100 ans »

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