Aujourd’hui, nous aborderons un sujet ô combien délicat.
« Prendre sa douche en camping« .
Que celle qui n’a jamais dû en passer par cette case de l’existence sache dès à présent qu’elle fait partie d’une caste. La caste des privilégiées.
Prendre sa douche en camping se déroule invariablement comme ceci :
Toute l’après-midi, tu as lézardé sur la plage du camping des flots bleus.
Jusque là, ça a l’air simple, me diras-tu.
Mais détrompe-toi.
Déjà, à la base, tu es partie en vacances à la montagne. Ce qui explique que le panneau « La Plage » (avec des majuscules) éveille ta méfiance.
Comme tu viens de t’avaler mille bornes en bagnole pour arriver là, que la clim était faiblarde, que ton sandwich à l’omelette a un peu tourné et qu’il y avait des embouteillages à Paris, toutes tes pensées convergent vers un seul but à présent : te rafraichir un peu.
Tu chausses tes clapettes et tu te diriges vers La Plage.
« Léonardo ? Mon œil »
Bien évidemment, tu t’en doutais (car à toi on ne te la fait pas), la plage du camping ne porte ce nom que par pure retape putassière.
En lieu et place de plage tu trouves une portion de galets donnant sur une rivière agitée.
Tu déroules ta serviette et, en t’asseyant, tu remarques, chose étrange, qu’il y a des minuscules coquillages dans les galets. (Souvenirs de l’ère préhistorique ?). Là ton point de vue change. Tu te dis que si tu étais le tenancier du camping, toi aussi tu aurais appelé ta plage « La Plage ».
Tu veux t’allonger un peu mais il va sans dire que le mix coquillages-galets transperce ta serviette de bain pour te ruiner le dos.
« Dire qu’il y en a qui paient pour ça »
Tu te rassieds. Tu observes les badauds autour de toi. Ceux qui ont opté pour le même lieu de villégiature que toi.
Le camping de la plage rameute des enfants. Les enfants de parents montagnards. Ceux qui se font arnaquer par leurs parents qui leur promettent une plage. Une plage de galets située le long d’une rivière dans laquelle ils ne pourront faire un plongeon que s’ils ont bien crapahuté dans la montagne pendant huit heures d’affilée dans un dénivelé de malade sans demander si on arrive bientôt et en essayant d’arracher avec les dents un saucisson transpirant pour la pause déjeuner (dix minutes top chrono).
Au début, tu compatis. Car toi aussi tu as été enfant de montagnards.
Passer une fin d’après-midi auprès d’enfants le long d’une rivière.
Voilà exactement ce qu’il te fallait après tes douze heures de voiture.
Rajoute trois niveaux de difficulté si comme moi tu es célibataire sans enfants, car il est de notoriété publique que le seuil de tolérance des parents est autrement plus élevé que le tien, question d’habitude certainement.
Gentil Damien
Tentant (sans succès) de faire abstraction de leurs cris d’excitation, tu te lèves et décides d’aller te baigner un peu.
Quand tu plonges ton gros orteil dans la rivière, tu t’aperçois qu’elle est glacée (ben oui, c’est l’eau des glaciers, grognasse) et que ceci expliquerait pourquoi les enfants crient et ont les lèvres toutes bleues.
Ton orteil gelé, les cris des gnomes, ton dos ruiné par les galets, la crème solaire qui te colle à la peau et le trajet que tu viens de te coltiner.
Là c’en est trop.
Tu décides de prendre ta douche.
Tu arrives dans le local-douches. Qui en fait est une cahute faite de tôles et de rondins aménagée selon des plans qui ne sont pas sans faire penser à ces sanatoriums de jadis.
Tu insères un jeton dans l’appareil (auparavant, tu as eu l’excellente idée de jeter ces jetons dans ton porte-monnaie « pour ne pas les perdre », et tu as passé un temps fou à essayer de les retrouver parmi tes pièces).
La douche se déclenche.
Le clampin qui est passé juste avant toi a fait pivoter le pommeau en direction de l’endroit où tu as posé en équilibre précaire ta trousse de toilettes (la tablette est inclinée). Tu le remets droit. Dans la bataille, l’eau t’a ravalé le visage.
Ça tombe bien, car ce soir, tu devais justement te laver les cheveux.
« Facile »
Tu stresses, car il ne te reste qu’un seul jeton, et tu ignores combien de temps dure la minuterie.
« Minuterie »
Tu dois poser tes pieds sur un petit carré fait de planches vermoulues qui, à force de rester sous l’eau tiédasse, sont recouvertes d’un fin duvet tellement glissant que tu as l’impression de marcher sur des algues.
Rapidement, ton cerveau évalue le danger et classe cette douche au top trois des actions que tu as posées un jour et qui auraient pu te rendre paraplégique (Saut à l’élastique/roller parade).
Ce qui est chouette aussi, c’est que la minuterie des néons qui éclairent les douches n’est pas raccord avec celle de l’eau.
Tu dois donc régulièrement sortir de ta douche pour passer devant le déclencheur de mouvements.
A moins que tu ne sois tellement à l’aise sur ta planche en bois que tu puisses te permettre de tendre la jambe vers le détecteur sans bouger de sous ta douche (Jackie Chan/Philippe Candeloro).
« Moi j’y parviens »
Ou alors tu adores prendre ta douche dans le noir complet (Gilbert Montagné/Steevie Wonder).
Serais-tu surpris(e) si je te disais que le l’eau s’arrête alors que tu as encore de la mousse sur le crâne ?
ABSOLUMENT PAS.
Car c’était cousu de fil blanc, tu sais bien que la vie peut parfois être une chienne, tu en as acquis la certitude à force de moult expériences de ce style.
Tu respires un grand coup. Tu te dis : « Au diable la varice, je vais m’offrir un deuxième jeton » (de toute façon, as-tu vraiment le choix ?).
Du coup tu dois te rhabiller.
Mais bien-sûr, comble du bonheur, ta petite culotte est tombée du rebord sur lequel tu l’avais posée. Elle baigne dans l’eau croupie où les touristes posent leurs pieds plein de verrues. Tu l’enfiles quand-même en récitant cette phrase familiale : « ça fera mes anticorps ».
Oh et puis non, c’est vraiment trop désagréable. Tu la fourres en boule dans ta trousse de maquillage et tu traverses les allées cul nu (mais ça, personne ne le sait, parce que tu as quand-même enfilé ta robe).
« Ah si tu savais, Michel. Je ne porte pas de culotte »
Tu arrives à la réception.
Il y a un mot sur la porte. « Je suis parti faire une petite course. J’en ai pour 20 minutes. Signé : Jean-Claude. »
Tu ignores si Jean-Claude a écrit ce mot il y a 18 minutes ou il y a 2 minutes. (Il y a une nuance).
La mousse de ton shampoing sèche sur ta tête, au soleil.
Tu maudis la Terre entière.
En attendant Jean-Claude.
Ton porte-monnaie à la main.
Tu ignores que tout au fond de celui-ci, mélangé à tes pièces de monnaie, il te restait un jeton.
Et ceci n’est qu’un petit aperçu de ce que c’est que prendre sa douche en camping.
Pour te dire.
« Ce bon bain m’a fait du bien »
« Là c’est vrai que je sens que je me détends à fond du bulbe »
🙂
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Tu l’enfiles quand-même en récitant cette phrase familiale : « ça fera mes anticorps »…….et là je ris à gorge déployée….pendant que mon petit-fils inonde la salle de bain…….non, je déconne!!! il est sage quand il est dans le bain après un aprèm leçon de vélo….et j’attends mon tour car le soleil de provence ne fait pas semblant 😉
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