Hier, tous les éléments étaient réunis pour que Noémie, Adèle et moi passions une bonne après midi.
- On était dimanche.
- C’était le premier jour des vacances.
- Accessoirement le premier jour des soldes.
- Il faisait à tout casser 30 degrés à l’ombre.
- Le solde de notre carte gold était à son apogée.
- On n’avait plus rien à se mettre.
Vous me voyez venir ?

Je suis en train de vous dire qu’hier, les axes étaient alignés en un combo gagnant pour passer une journée Marie Antoinette.

C’est Mathilde et ses amis qui ont inventé le concept de la journée Marie-Antoinette : il s’agit de faire du shopping en buvant du champagne et en mangeant des pâtisseries.
Etant donné que je n’ai fait que grossir ces derniers temps et que ma soeur et ma cousine sont plutôt « vegan pro-ana zéro sugar et gluten free », on a zappé le chapitre bulles et pâtisseries pour se consacrer entièrement à notre art : acheter des fringues.

Enfin, c’est plutôt leur passion à elles.
Moi je leur ai dit quelque chose qui tombe sous le sens, dans le genre : » Je ne trouve plus de vêtements à ma taille, je suis pauvre, il fait 50 degrés, alors pourquoi se ruer dans la foule par cette chaleur alors qu’on est si bien ici, à agoniser dans le jardin à la recherche du moindre recoin d’ombre ? ».
J’avais des visions d’horreur.

Mais les filles sont persuasives, elles ont essayé de me faire croire que tout le monde penserait comme moi et que donc, nous aurions la ville pour nous toutes seules.

Je ne suis pas dupe, mais je les ai suivies quand même.
Quand on est arrivées en ville, j’ai clairement dû admettre qu’elles maitrisaient leur sujet car il y régnait un calme inhabituel.
On a franchi la première porte coulissante et la fraîcheur de l’air conditionné m’a envahie : j’étais conquise.
J’ai regardé un peu les vêtements.
Tout était beau.
Mais rien à ma taille, devenue trop hors normes.




Je n’osais trop rien dire mais je ne le vivais pas super bien. Je rêvais au jour où je perdrais 20 kilos et je me disais que peut-être plus tard, je pourrais moi aussi participer quand je ferais du shopping. Je me suis donc mise sur le côté en me disant tant pis, je vais les suivre et on passera malgré tout une bonne après midi.

En passant devant une enseigne dont je tairai le nom, j’ai expliqué aux filles : « La dernière fois, j’ai dû aller là pour m’habiller, dans ce magasin de vieilles grosses. Et ça m’a fait un choc d’en arriver là ». Adèle m’a répondu que j’étais bourrée d’aprioris, la preuve : le pantalon dans la vitrine était très beau. Je lui ai répondu, soulagée : « Ah, toi aussi tu le trouves très beau ? J’ai cru que si je portais ça, tu appellerais la brigade de la mode ».
La brigade de la mode, c’est mon ami Mathieu qui l’a inventée, et elle vient vous chercher pour vous emprisonner si vous êtes mal habillée.

Elles m’ont convaincue d’entrer et là, tout a été très vite.
Adèle s’ est emparée de plein de pantalons, Noémie a saisi des blouses, et elles m’ont poussée dans la cabine d’essayage à une vitesse vvprime (j’adore cette expression).
Les filles se sont installées. Elles ont dit « Tu vois, on est bien ici. Il n’y a que nous, des coussins pour s’asseoir, la clim et des beaux vêtements ».

J’ai tout essayé et le croirez vous ?
Tout m’allait.
Comme un gant.

Noémie, jambes croisées sur son siège, a déclaré : « Tu dois tout prendre, c’est obligé ».

Tout prendre ? Moi qui comptais juste acheter un ou deux vêtements… Et en même temps, je n’avais plus rien à me mettre (à part mes vieilleries, dirait Mère) donc j’ai obtempéré.


Adèle a déclaré d’un ton solennel : « On va te faire découvrir ce que c’est que le shopping extrême ».
Et Noémie a ricané. Un ricanement de petit diable.
Quelque chose dans leur attitude me disait qu’on ne faisait que commencer.

Arrivée à la caisse, la caissière m’a dit : « Est-ce que vous savez qu’il n’y a rien en solde dans ce que vous avez choisi ? ».
Je lui ai dit « Oui, je sais. Mais comme dirait Sébastien : « L’argent n’est pas un problème » » et j’ai payé avec ma carte Gold.

On a fait encore plusieurs magasins et, à chaque fois, j’ai tout dévalisé parce que les diaboliques me poussaient à la consommation.

Adèle, par contre, ne s’achetait rien, ce qui commençait un peu à nous inquiéter, et on se demandait si elle était malade quand elle est tombée sur une petite merveille.

On commençait à avoir les pieds en sang et le compte ne banque à l’agonie.
Mentalement, je me demandais combien je pourrais toucher si je revendais un rein et si ça suffirait à rembourser une partie de mes achats quand on est passées devant le bar à smoothies.
Je me disais que j’allais offrir un peu de vitamines aux deux démons qui m’avaient fait me rhabiller de la tête aux pieds quand on a vu ce panneau qui nous a bien fait marrer.

On a donc siroté nos boissons fraîches sur un banc, ensevelies sous les sacs de courses, épuisées, pauvres, mais heureuses.

