Déjà qu’il n’est pas facile de survivre à Noël en temps normal, mais en plus, ma famille a connu dernièrement plusieurs tragédies qui ont mis le moral des troupes à rude épreuve. Afin d’adoucir la peine, Caro a pensé qu’un concours de pulls de Noël nous distrairait.
Il va sans dire que tout le monde était enthousiaste et a validé sa participation.
Sauf moi qui ne trouvait rien à me mettre (je n’ai pas cherché) et Adèle qui a décrété d’un ton fort catégorique que elle vivante, nous ne la verrions jamais avec un pull de Noël sur le dos. Elle craint que la brigade de la mode ne vienne la chercher pour l’emprisonner, et malgré que je lui aie expliqué qu’ à Noël, tout le monde a le droit d’avoir mauvais goût, (grande phrase de mon collègue Bernard), son refus est resté catégorique. Caro a donc décrété qu’Adèle serait juge.
Je n’avais pas encore commencé ma quête de pull quand Mathilde m’a montré le sien. Un horrible pull bleu orné d’un Père Noël dans une voiture qu’elle a dit avoir acheté chez Aldi. Devant tant de laideur, j’ai su que, quoi que je fasse, ma petite sœur allait gagner le prix, donc j’ai abandonné l’idée même de participer, me sentant vaincue d’avance.
Mais le jour J, quand j’ai senti que mes cousins commençaient à s’agiter avec ce foutu concours, je me suis sentie frustrée de ne rien avoir à me mettre sur le dos et j’ai exprimé ma tristesse lors du repas chez Père. Ma tante Gabrielle, qui a plus d’un tour dans son sac, s’est alors proposée de m’en fabriquer un de ses blanches mains. J’étais fort enthousiaste et je lui ai donné carte blanche car question créativité, on peut dire qu’elle en connait un rayon.
Elle a accroché de belles décorations sur un pull que Père projetait de donner aux nécessiteux. Puis on s’est dit qu’il serait du plus bel effet si on y accrochait une guirlande, afin de briller de mille feux. Là j’ai émis un doute, parce que si je voulais que la guirlande fonctionne, je devrais me brancher à une prise et du coup, je perdrais pas mal de marge de mouvement durant la fête. Mais Père a déclaré : « Mais enfin Natha, j’ai des guirlandes qui fonctionnent avec un boitier ! ». Alors ma tante a cousu une guirlande lumineuse sur mon pull, ce qui était de toute beauté. A ce stade des opérations, j’ai su que je gagnerais le concours. J’avais réussi, grâce à ma tante, a faire passer Mathilde en deuxième position.
Nous nous sommes rendues chez mamy. J’ai quitté la voiture et, dans la pénombre, mon pull semblait encore plus chatoyant. Deux passants me regardaient, sidérés. J’ai dit à Caro : « Ils sont jaloux, c’est sür » et elle m’a répondu « Oui, oui, Natha ».
Nous sommes arrivées les premières chez mamy. Quand nous sommes entrées dans la salon, elle est restée un instant interdite. Car elle n’avait pas reçu l’information quant à notre concours. Son regard disait : « Décidément, mes petites-filles sont des originales ».
Puis chacun est arrivé au compte goutte, en ne ménageant pas ses effets. Tout le monde rivalisait de créativité. Tout le monde sauf Esteban, qui répétait sans cesse : « Si, si, je vais aller chercher mon pull de Noël », mais on voyait bien qu’il restait sur sa chaise et qu’il nous baratinait, qu’en fait il n’avait pas son pull. Puis il s’est éclipsé discrètement et est revenu avec un gilet orange (il n’en restait pas de jaune), brandissant un panneau disant en substance que ses cousins l’avaient ruiné en téquila et qu’il n’avait pas les moyens de s’acheter un pull. Adèle a malgré tout validé sa participation, pointant du doigt sa créativité.
Plusieurs personnes ont marqué leur émerveillement quant à mon déguisement, mais ils montraient également des signes d’inquiétude relatifs à la guirlande. « Tu penses que tu ne peux mal de t’électrocuter, Natha ? » « Ou de prendre feu ? ». Je les sentais anxieux. Puis le boitier de ma guirlande est tombé dans le canapé et Anne l’a brandi en criant, paniquée « Tu as perdu ton peacemaker !!! », ce qui a amusé la galerie.
Célia, Noémie et Bart étaient tous dans le thème « renne de Noel », mais tous dans des styles fort différents. Dominique et Caro, pipiches en puissance, ont plutôt exploré la catégorie « Beaux pulls ».
Pauline n’a pas participé car elle est devenue maman et quelque chose me dit qu’elle a un peu autre chose à faire que de partir dans nos habituels délires, mais elle a joué le jeu en parant la petite Maia d’une cape de renne, ce qui la rendait ultra mignonne.
Devant tant de beauté, je sens qu’Adèle restait subjuguée et qu’elle avait du mal à trancher. Elle ne parlait jamais de gagnant, ni de perdant. Et personne d’ailleurs.
D’un accord tacite, nous nous sommes dit qu’il n’y aurait pas de vainqueur car, finalement, en concours de pulls de Noël, c’est exactement comme en sport : « L’important, c’est de participer ».