Tout se déroulait comme prévu.
Mère, Adèle et moi étions affalées dans le canapé, devant le feu, une flûte de mousseux à la main en regardant une série sur la révolution russe (guerre des tranchées, fusillades, peuple qui s’entretue : y’a pas à dire, nous, on sait se divertir).
Ivan Ilitch allait tomber dans un traquenard quand quelqu’un a toqué à la porte, faisant aboyer Happy-le-chien qui était déjà un peu sur les dents à cause des feux d’artifice.
C’était Catherine-ma-deuxième-maman.
Il n’y avait rien de surprenant à ce qu’elle soit là car nous savions qu’elle célébrait le réveillon chez Alain-le-voisin. Ils nous avaient même invitées mais nous avions décliné pour cause de révolution russe.
Ce qui était plus surprenant, par contre, c’était son accoutrement. Elle était habillée en lutin de Noël et coiffée d’une immonde casquette. Elle portait aussi un manteau blanc en espèce de faux mouton retourné. Comme à son habitude, elle était exaltée et elle nous dit : « Venez nous rejoindre à côté pour les douze coups de minuit ! On s’amuse super bien ! On s’est costumés et on a décidé de fêter le réveillon dehors ».
Là, il a régné un silence trahissant notre incompréhension face à pareille idée et on lui a demandé : « Mais pourquoi vous faites ça ??? ».
Elle a expliqué qu’au départ, ils avaient décidé de passer le réveillon dans le sud de la France et que finalement, comme les billets étaient trop chers, ils avaient décidé de rester en Belgique, mais dehors. J’avoue que le lien de cause à effet de cet argument nous a échappé, mais visiblement, Catherine avait l’air de trouver cela d’une logique implacable. De manière plus générale, j’aimerais beaucoup que l’on m’explique le concept de passer une nuit à l’extérieur en plein hiver en Belgique.
Vous comprendrez qu’en mettant dans la balance notre feu ouvert et le canapé, nous avons émis quelques résistances à les rejoindre.
Mais je voyais bien que Mère commençait à avoir l’oeil brillant et que toute cette mascarade l’amusait follement. Adèle lui a dit : « Vas-y, mère. Va t’amuser avec tes amis. On met Netflix sur pause. Mais moi je reste ici avec mes scotoufles » (c’est un mot que l’on a inventé et qui est une contraction de pantoufles scotisch).
Mais vous connaissez Catherine. Son enthousiasme est si débordant qu’au bout de quelques insistances, j’ai déclaré : « Ok, j’arrive. Juste le temps d’enfiler mon pull de Noël« .
(Clap – deuxième)
Et c’est comme ça que nous nous sommes retrouvées chez les voisins.
On aurait dit que l’on arrivait dans la 18ème dimension.
Jean-Pierre était en kilt et en grandes chaussettes, avec un pull de Noel et un immonde chapeau de pêcheur. Alain avait une veste de costume, mais rouge avec des sapins qui clignotaient. Sylvie et les deux autres invités étaient tout aussi arrangés. Ils dansaient sur U2 et avaient, de fait, aménagé un espace sur la terrasse en le décorant façon chalet de marché de Noël alsacien.
Tous criaient de joie en nous voyant débarquer. J’ai fait mon petit effet grâce à mon beau pull (voir épisode précédent) et nous avons trinqué à l’année nouvelle qui s’annonçait.
Benoit était engoncé sous un plaid et il regardait le kilt de Jean-Pierre avec un oeil vitreux. Quand il a demandé : « Tu n’as pas froid, là-dedans ? », Jean-Pierre lui a répondu avec beaucoup d’assurance que ce n’est pas par là que l’on attrape froid et que, quand il était petit, il était scout et qu’on les faisait souvent courir cul nu dans les prairies. J’ai trouvé cela un peu étrange, mais personne n’a relevé car la deuxième rasade de champagne se profilait. Visiblement, ils étaient loin d’en être à leur premier verre et les visages étaient rougis par le froid et l’alcool.
J’ai bu un peu de whisky en caressant le chien et, quand on a eu envie de rentrer voir les cinq dernières minutes de notre série, nous avons remercié les voisins.
A cet instant, Madonna a chanté quelque chose dans les enceintes alors Alain et moi avons terminé en beauté en inventant une sublime chorégraphie derrière la baie vitrée afin de subjuguer les autres, ce qui a fonctionné.
Quand on est rentrées, Happy nous a accueillies en bondissant en l’air comme si on l’avait abandonné pendant des mois entiers et je me suis non sans mal extirpée de mon pull de Noël (qui renferme nombre d’épingles de sûreté et de possibilités de courts-circuits) et nous avons relancé la lecture de Netflix.
Mère a dit : « Je sens qu’il va arriver une bricole à Ivan Ilitch ». Et c’est vrai que si se faire poursuivre sur les toits par des hommes armés parce que tu as été dénoncé par ton propre beau-père est une bricole, alors oui, on pouvait dire qu’Ivan était dans de beaux draps. Mais, comme de bien entendu, il en a réchappé, ce qui prouvait à quel point l’année 2019 commence bien.
« Allons Jean-Pierre, ce n’est qu’une fois par an que tu dois porter un kilt devant tes amis »
Meilleurs voeux pour 2019 , chère Natha 🙂
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Pareil pour toi, Walter !
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Merci Nathalie , ça fait 13 jours que j’attendais la réponse … ! 🙂 🙂
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Ouf ! Je commençais à me poser des questions … 🙂
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