Récits

Apprendre à aimer

Ce 9 octobre, voyant les heures passer interminablement depuis l’entrée de Caro à l’hôpital 30 heures plus tôt, Mère, Adèle et moi-même avons fait mine d’aller nous coucher, même si nous étions trop excitées pour sombrer dans le sommeil du juste, sachant que d’un instant à l’autre, nous allions être propulsées respectivement mamy, moyenne tata et grande tata.

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Puis un Ding de messagerie a retenti : Hannah venait de pousser son premier cri, marquant son arrivée dans ce vaste monde. Il y avait même une photo qui accompagnait le message, faisant fondre mon cœur de pierre et faisant pleurer Mère à chaudes larmes, qui a déclaré : « Elle est tellement belle ». Ce qui est vrai, en toute objectivité bien-sûr.

Le lendemain, il a fallu ronger son frein jusqu’à 14 heures, heure des visites, en allant travailler comme si c’était un jour normal, tapant sur le système nerveux des collègues, basculant du côté obscur de la force en devenant la relou de service qui montre à tous ceux qui n’osent pas dire non la photo de sa nièce, vantant sa beauté subjuguante, alors qu’elle ressemble vraisemblablement à un petit Alien fraîchement débarqué sur Terre.

A 14 heures moins deux, je suis rentrée dans la chambre 116 où Père, fendu d’un sourire radieux doublé d’un air ébahi portait sa petite fille dans les bras.

Deux jours plus tard, c’était l’anniversaire de Caro, alors Mère est allée lui acheter des petits présents, ce qui est chose rare dans notre famille de radasses où l’on ne se fait jamais de cadeaux. Du coup, elle a ouvert des yeux grands comme des soucoupes en demandant pourquoi on lui offrait des cadeaux. « C’est ton anniversaire, ma chérie », a-t’on dû lui expliquer. La chose lui avait échappé. On a fait une mini fête, debout autour de son lit (les chaises étaient inexistantes), coincées comme des sardines dans cette demi chambre exigue, transpirant comme des sagouins car apparemment les bébés aiment les ambiances tropicales.

Caro s’était mise sur son 31, avec teint blafard, cernes sous les yeux, cheveux gras et des bas de contention qui, d’après Adèle, lui confèrent un air de Louis 14.

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Puis, quelques jours plus tard, il était enfin temps de quitter l’hôpital. Quand Adèle et moi sommes allées les chercher , une infirmière a demandé à Caro : « Alors ? Vous êtes satisfaite de votre séjour ? », ce qui nous a donné l’idée de créer une page « Maternité » sur Tripadvisor. Nourriture : dégueu, soins : TB, déco de la chambre : à chier, température trop élevée.

Histoire de prendre leurs marques et de se faire aider et choyer par la famille, la nouvelle maman et son bébé se sont installées à la maison.

Comprenez tout ce que cela a de perturbant pour moi, qui suis un être dont la vie entière est rythmée par l’Ordre et l’Habitude, tout l’inverse de ce qu’amènent ces petites créatures complexes créant Désordre et Chaos dans leur sillage.

La première nuit, en allant me coucher, j’ai écouté un CD d’hypnose pour maigrir avec sa tête, ce qui change un peu de maigrir avec son cul. Le Grand Gourou compte de 10 à zéro avant d’entamer une séance d’une vingtaine de minutes de suggestions positives vous chuchotant que vous avez un corps de déesse égyptienne. Mais je n’ai entendu que « 10, vos orteils sont lourds, 9, vos mollets sont lourds » avant de sombrer dans un sommeil profond.

Pendant ce temps, apparemment, Hannah a pleuré. Puis Caro a pleuré parce qu’Hannah pleurait. Puis Petite-Beauté a sauté par le vélux et elle a atterri dans le lit de Mère, une souris vivante entre les crocs. Mère a hurlé et a essayé d’attraper le rongeur qui a trouvé refuge derrière une étagère de l’atelier, l’obligeant a déplacer toutes les boites placées dessus.

Caro s’est levée, interpellée par le vacarme et a trouvé Mère à quatre pattes en train de vider ses caisses de peinture. Caro a proposé de piéger la souris dans une boite en carton et de la rejeter dans le jardin, ce qui a réveillé le chien qui dormait allongé en plein milieu de l’escalier.

Au matin, je me suis éveillée avec des écouteurs dans les oreilles, et je me suis demandé pourquoi il n’y avait plus rien après le chiffre 9. Peut-être parce que je m’étais endormie ? En tous cas, moi, j’avais « fait ma nuit ».

Je suis allée saluer ma nièce avant de partir travailler. Elle était lovée dans les bras de Caro, qui avait la figure déconfite. Mère était étendue dans la même pièce, endormie, la bouche entrouverte, respirant fortement. « Avez-vous passé une bonne première nuit ? » ai-je demandé, car je m’inquiète pour mon prochain. « On peut dire ça comme ça » m’a dit Caro. C’est dingue, ces gens qui ont le sommeil léger et qui se réveillent au moindre cri de bébé ou de souris.

Je suis allée travailler, et j’ai bien annoncé à tout le monde que malgré ma bonne nuit réparatrice, j’étais assez fatiguée en ce moment, et que du coup il fallait me ménager. Ce n’est pas simple d’être tantine, c’est un boulot à plein temps.

Et puis, ce soir, en rentrant du boulot, Caro m’a expliqué qu’Hannah faisait un « pic de croissance ». Avide de Savoir, je lui ai demandé ce que cela signifiait et elle a répondu : « Ce sont des jours où les bébés sont plus éveillés, ils mangent plus et chient plus ». J’ai dit que je pensais que moi aussi je faisais un pic de croissance, malgré les injonctions de mon Grand Gourou d’hypnose à manger moins, mais nous avons été interrompues car Hannah, fière de démontrer à ma sœur qu’elle avait raison, a commencé à lui chier sur les mains alors qu’elle ouvrait son lange. J’ai pris un air très dégouté et Caro m’a dit : « Tiens-lui les jambes pendant que je vais chercher des essuies » Et, dans la panique, je lui ai obéi. C’est alors qu’elle a donné un second coup d’envoi en me lançant un grand jet de diarrhée.

J’ai chanté « Apprendre à aimer » de Florent Pagny, ce qui est une chanson que chante Mélanie quand Hugo et Félix font des pics de créativité.

Puis, sur le lange, j’ai vu qu’il était écrit  » Love is the message », ce qui nous a fait très fortement rire, jusqu’à en avoir mal au ventre, et d’ailleurs, Caro s’est écriée :  » Je ris tellement que je crois que ma cicatrice s’est ouverte ».

Comme quoi, faut pas croire que la vie est de tout repos.

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