Récits

Un optimisme typiquement peersien

Cher Gary, 

Ce week-end, nous avons fait une nouvelle admission à l’hôpital de Saint-Héribert. Suite à des problèmes de santé, mamy Tine s’est ajoutée à la patientèle très select de la maison. 

Sache que quand on surnomme la maison “l’hôpital de Saint-Héribert”, on est loin d’exagérer. 

Déjà, le décor ne laisse pas planer le doute. Le couloir est rempli de caisses en carton débordant de seringues et de baxters. Contre un mur trône le pied à perfusions, côtoyant une chaise roulante et une canne. Les housses de coussins sont tachées de sang et les murs et les plafonds recouverts de giclures de seringues. Sans oublier la chaise percée et les petits potiquets remplis de gélules en tous genres. 

Ensuite, notre organisation est bien rodée, entre roulement des infirmières (on est maintenant passées à trois pour toute la famille), heure de la toilette, heure des injections, heure des perfusions, repas portés aux malades sur des plateaux, moments de calme pour les siestes, heures de visite et relève de nuit pour mamy.

Samedi, nous étions donc quatre générations de femmes sous le même toit. Voilà qui donne de l’eau au moulin de ceux qui surnommaient déjà notre famille “le matriarcat féministe écrasant”. 

Hannah, ayant décidé d’apporter sa pierre à l’édifice, est allée chercher la couverture de ses bébés et l’a donnée à mamy Tine afin qu’elle ait bien chaud. Peut-être les infirmières auront-elles fait naître une nouvelle vocation.

Tu ne connais peut-être pas ma mamy, Gary, mais je vais te dire deux choses qui la caractérisent particulièrement. D’abord, c’est une sacrée tête de bois. Et ensuite, elle est reconnue pour être d’un immense optimisme. Un optimisme que j’ai toujours trouvé démesuré.

L’anecdote la plus connue de la famille est la suivante : nous nous promenions en montagne, à la recherche de myrtilles, et il y avait une telle purée de pois que l’on n’y voyait pas à 20 centimètres. Un crachin a commencé à nous humidifier peu à peu jusqu’à ce que l’on rentre trempés comme des soupes, tâtonnant dans le brouillard épais. Jiji nous a alors demandé : “Alors, cette promenade?” avec un soupçon de sarcasme dans la voix et mamy s’est écriée un très fort et très enjoué “Il a fait un temps ma-gni-fique!”. On s’est tous regardés comme deux ronds de flan et cette phrase est devenue immédiatement emblématique, on la ressort dès que possible. D’ailleurs, on pourrait la dire aujourd’hui, vu le temps de vaches qui pissent qu’il fait. 

Si je te raconte tout ça, c’est juste pour te dire que l’optimisme de mamy s’est encore illustré aujourd’hui. Elle devait être emmenée à l’hôpital pour une radio et vu qu’elle ne sait plus bouger ça a été un fichu bordel.

On a récupéré une chaise roulante à laquelle il manque un repose-pieds donc Adèle et maman ont dû faire un bricolage à la mords-moi le nœud pour y attacher une sangle. C’est un beau rafistolage, digne de Jean-Chri que l’on surnommait “le bulgare”. Adèle a ensuite soulevé sa mamy pour l’asseoir dans ce siège inconfortable alors qu’elle a des vertèbres tassées, puis on l’a fait sortir sous la pluie battante en la faisant passer dans le gazon gorgé d’eau pour finir par la faire rentrer dans un taxi pour PMR. Une fois à l’intérieur, elle a fait un grand sourire à Mère, avec un pouce en l’air et elle a déclaré : “C’est vraiment super !!!”.

Comment te dire, Gary ? La famille Peers a toujours été pour moi un mystère insondable.

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