Odile et Emilie se sont mariées.
Odile, c’est ma sœur. Enfin, pas ma vraie sœur, parce que j’en ai déjà beaucoup, mais ma sœur quand-même, parce qu’on a grandi ensemble. Enfin, pas vraiment grandi ensemble parce que je suis de dix ans son aînée, mais grandi ensemble quand-même, parce que je lui ai appris la vie. A ramper en dessous de la balançoire pendant que je me balançais. A plonger en apnée dans les eaux froides pour remonter des objets avec les dents. A retourner les moutons sur le dos pour les immobiliser. Toutes choses utiles et importantes.
Les familles Gourgue, Peers, Fostier et de Hulster se voyaient tous les mercredis, avec un programme indéfectible : jogging, spaghetti bolognaise, blagues grivoises, rires gras, dame blanche. Tous les mercredis et plus encore puisque nous étions voisins des Gourgue à l’époque. Maintenant nous sommes voisins des de Hulster. Vous suivez un peu ?
Quand je me suis levée et que j’ai vu qu’il pleuvait comme vache qui pisse, j’ai pensé qu’Odile allait rétorquer : “Le premier qui dit “Mariage pluvieux, mariage heureux”, je le défonce”. Ceci dit, si l’adage est vrai, elles allaient être sacrément heureuses. Mais je sais (car je suis une personne très cultivée) que cet adage a été déformé avec le temps et qu’en réalité c’est : “Mariage plus vieux, mariage heureux”. Dans quel cas ce sera moi qui vais être sacrément heureuse car je n’envisage pas le mariage avant mes nonante printemps. Mais le vent a chassé la pluie et finalement, il a fait beau. “Mariage par beau temps, bonheur pour longtemps”.
Odile et Emilie sont arrivées en retard, ce que j’ai adoré parce que j’ai trouvé ça digne d’elles. Martin a dit : “Peut-être qu’elles ne viendront pas. Ca arrive parfois dans les films” et ça m’a inquiétée parce qu’on m’avait parlé de poulet qu’on mange avec les doigts alors j’ai demandé à Catherine si on ferait quand-même la fête et elle a répondu : « Évidemment! ».
Puis elles sont arrivées et sont sorties de leur voiture, chacune dans une jolie petite robe blanche, un bouquet de fleurs sauvages à la main, les enfants sortant du coffre. Odile arborant une superbe coiffure qu’elle m’a dit avoir faite elle-même de ses doigts experts.

La cérémonie a eu lieu et l’échevine a dû changer tous les chiffres de son discours : “Vous vous êtes rencontrées il y a quatre ans. Ah non, cinq”, parce que le mariage avait été annulé l’été passé pour cause de pandémie mondiale. Quand elles sont sorties, on a fait une haie d’honneur et on a tous pris une poignée de pétales de roses qu’on leur a lancé. Quand Catherine a vu qu’il en restait plein dans le fond du panier, elle s’en est emparé et leur a littéralement balancé en plein visage, c’est à peine si elle n’a pas jeté le panier avec. Il y a eu des accolades. Des câlins. Puis des larmes d’émotion. Mère a pleuré en serrant sa filleule dans ses bras, puis Catherine a pleuré, puis Marie-Paule, ce qui a fait verser des larmes à Sylvie, et moi aussi. Jean-Pierre nous a regardées, interloqué, et il a dit : « Ça va aller, les pleureuses ?” et Sylvie a répondu qu’elle ne pleurait pas, tout en remettant ses lunettes de soleil afin de cacher ses yeux rougis de lapin qui a la myxomatose.

Dans la voiture, j’ai fait remarquer à Mère que dans le groupe, tous les enfants portent le nom d’un des adultes, parce que tout le monde est le parrain de l’un, la marraine de l’autre. Moi, ça m’a émue. Maxime s’appelle Maxime Thierry, Odile s’appelle Odile Marie-Christine, Martin s’appelle Marie-Paule, Morgan s’appelle Jean-Christophe et j’en passe. Elle m’a répondu : “Oui, on a préféré faire ça en vase clos”.
On est arrivées chez elles. Thème champêtre. Petits coins et recoins dans le jardin. Ballots de paille pour s’asseoir, tables en bois, drapeaux en tissu, fleurs. Tout à leur image : simple, convivial, chaleureux, bucolique, original.

Par chance, j’avais mes douze cuillères ce jour-là, et peut-être même un peu plus car je m’étais reposée pendant les cinquante heures précédentes afin d’être au top. J’ai dit à Thierry : “Aujourd’hui je suis à septante pourcents” et il m’a surnommée “septante pourcents” toute la journée, ce qui changeait un peu de mon surnom habituel qui est “Plume dans le cul”.
En parlant de Thierry, il m’a montré la photo de ses nouveaux lévriers et Lise a dit aux parents : “Vous savez que si on rassemble les noms de vos chiens, ça fait Georges, Gaston, Roger, Lucien et Maurice ! Soyez raisonnables, les vieux !!!”.
On s’est séparés en deux tables : la table des enfants et la table des parents et Margaux B., une amie d’Odile, nous a dit : “Je surveille un peu la table de vos darons, parce que j’ai l’impression que ça picole pas mal”.
Nous, on se shootait au coca (pas une goutte d’alcool pour moi qui suis sous antabuse) et vers 18 heures, Lise nous a prévenus qu’il se faisait tard pour boire du coca, qu’on allait mal dormir, alors on est passés à l’eau. Des modèles de vertu, loin des valeurs inculquées par nos parents qui en effet sifflaient pas mal de bouteilles.
Camille a dit : “C’est fou ce qu’on devient vertueux. Avant, dans les mariages, on finissait toujours bourrés”. “C’est vrai”, j’ai dit, “ou en train de niquer dans les buissons avec un type qui a une cravate en travers de la tête”. “La belle époque”, a-t-elle soupiré.
Enfin voilà, en bref, Emilie et Odile se sont mariées.

Et qu’est-ce qu’on dit quand le gâteau est beau ? Mariage jumeau ? ça ne veut pas dire grand chose mais au moins ça rime…
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Très chouette texte.
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Merci !
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elles sont magnifiques et leurs sourires tout autant! oui, mariage heureux! ❤
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