Récits

Gary

14 octobre 2021


Cher Gary,


Hier matin, j’avais rendez-vous chez le Docteur Synapse. Comme j’étais cinq minutes en avance, je suis allée m’asseoir dans la salle d’attente. Il y avait déjà un vieux monsieur assis là, un masque un peu sale sur le visage, une casquette rouge vissée sur la tête, le dos voûté, un peu gros, des sacs de courses installés à ses pieds. Il s’est adressé à moi. “Excusez-moi, Madame. Est-ce que les bus passent sur la chaussée ?” a-t-il demandé. “Oui, lui ai-je répondu. Mais comme aujourd’hui c’est jour de marché, je n’en suis pas tout à fait certaine. Il faudra que vous vérifiiez”. “Je prends le 12, ou n’importe quel bus qui va vers Namur”, a-t-il précisé. “Je crois qu’ils vont tous à Namur, mais demandez au chauffeur avant pour être sûr, lui ai-je quand-même stipulé”. Depuis le temps que je ne prends plus le bus, je ne voulais pas envoyer ce bon monsieur à Pétaouchnok. Il y a eu un petit silence, puis il a demandé l’heure. “Il est trente-cinq”, lui ai-je appris. Et il m’a expliqué qu’il accompagnait une dame et que cette dame était en ce moment en rendez-vous et qu’elle n’allait pas tarder à sortir. Il m’a demandé ce que c’était au juste, ce bâtiment, et je lui ai expliqué que c’était un bâtiment qui rassemblait plusieurs psychologues. Il a demandé : “Qu’est-ce que les gens viennent faire ici ? Ils viennent parler ?””Oui, ils viennent parler de leurs problèmes.””Ah”, a-t-il conclu, satisfait de ma réponse.
Je crois que, comme dirait Mère, ce vieux monsieur était un peu “sur le doux”, si tu vois ce que je veux dire.
Ensuite il s’est intéressé à mon heure de rendez-vous. “J’ai rendez-vous à quarante”, ai-je dit. Il m’a annoncé que la dame qui l’accompagnait allait bientôt sortir et que ce serait ensuite à mon tour. “Tout à fait”, lui ai-je dit et, au même moment, la porte du bureau du Docteur Synapse s’est ouverte et une dame en est sortie.
Elle est venue jusqu’à la salle d’attente et, s’adressant au vieux Monsieur qui était déjà debout, portant ses sacs de courses à bout de bras, elle a dit : “Alors ? Tu viens, Gary?!”.

Je suis d’abord restée bouche bée, stupéfaite et, puisque j’ai tendance à avoir du chou dans les oreilles, je lui ai demandé, afin d’en être bien certaine : “Vous vous appelez Gary ???!”
”Oui, en effet”
”Mais c’est merveilleux!!!” me suis-je écriée en me levant de ma chaise, la larme à l’œil, en proie à une joie violente.
“Si vous le dites”, m’a-t-il lancé, et il est parti.

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