6 décembre 2021. Hier, quand Adèle est entrée dans la salon, Happy était confortablement couché dans le canapé et avait ouvert nos paquets de lards en chocolat avec les dents. Il s’était allègrement servi dans notre Saint-Nicolas. On dit souvent que les chiens n’ont pas le droit de manger du chocolat, que c’est mauvais pour eux. Eh bien, je te le confirme, car, à peine une heure plus tard, il s’est mis à péter de façon répétitive. Des pets pestilentiels qui ont duré toute la journée, toute la nuit, et qui ont continué jusqu’au lendemain, jour du grand Saint. Comme on en pouvait plus, Adèle a eu l’idée d’allumer une bougie parfumée.
On était soulagées. Lui aussi.
A onze heures, comme tous les dimanches à onze heures, Caro est venue me chercher à la maison, et on est allées chez Père. Alors que l’on montait dans sa rue et que l’on arrivait presque à destination, on a entendu Hannah émettre un étrange bruit. Je me suis retournée. Un peu de vomi sortait de sa bouche. “Merde, ai-je dit à Caro. Elle est malade”. Je me sentais plus que jamais clairvoyante. Puis il y a eu une seconde rasade, un peu plus importante. Hannah s’est mise à pleurer, paniquée par ce qui lui arrivait. Et si Hannah panique, Grande Tata se met carrément à perdre les pédales. J’ai crié : “Il faut qu’on s’arrête !!!”, et Caro m’a répondu que ça ne servait à rien, qu’on était dans la rue, qu’on allait se garer puis s’occuper d’elle. Là, il y a eu une troisième vague (pandémie), puis une quatrième, gigantesque cette fois. Une immense gerbe. Un véritable tsunami de vomi. Il y en avait partout. Sur tous les sièges, même ceux de devant, sur Doudou, sur les manches de mon manteau, dans ses cheveux. Une vraie scène de l’Exorciste. Hannah hurlait. Je paniquais. J’ai ouvert la portière et je suis sortie en trombe de la voiture en marche sous le regard ahuri d’un voisin visiblement insensible à notre détresse. Caro m’a dit : “Essaye de rester calme, sinon tu vas l’inquiéter”. Je suis restée calme. Je l’ai extraite de son siège. Je lui ai expliqué ce qui lui arrivait : “Tu es malade, mon chat. Tu as fait une immense gerboulade”. J’ai descendu la rue avec elle dans les bras pendant que Caro garait son véhicule déclassé de gerbe.
On est entrées avec fracas. “Il y a eu une catastrophe. Du vomito. Partout partout. Ne la touche pas”, ai-je prévenu Père. Car Père est sensible à toutes ces choses. Il déteste les sécrétions, les flux. Dès qu’on se met à parler de pipi, de caca ou de vomi, il nous fait une blanchette et manque s’évanouir. Mais, étonnamment, il m’a répondu : “Ce n’est rien, passe-la moi” et il a rassuré sa petite-fille. La filiation vous fait faire de ces choses…J’ai dit : “Je suis étonnée par ton attitude positive, papa. Je pensais que tu allais tourner de l’œil. » “Oh non, a-t-il répondu. Car c’est d’origine humaine. Alors ça va”.Ensuite, il a fallu ramasser tout cela. “Je vais chercher un seau” a-t-il déclaré. Et quand il est revenu avec le seau, il était pâle comme la mort, il convulsait presque et tenait sa tête entre ses mains en geignant. “Mais qu’est-ce qui lui arrive?” a demandé Caro à Carine. “Euh… je crois que j’ai ramassé les crottes des chiens avec ce seau”. Et en effet, le seau était rempli de beaux étrons. D’origine non humaine, cette fois. On a utilisé un autre seau, et on a nettoyé tout ce qu’il fallait : l’enfant, la voiture, les housses, le doudou, pendant que Père essayait de reprendre ses esprits. Quand on s’est un peu remis de nos émotions, Carine a prévenu : “Les autres ne viennent pas, parce que Luna est malade aussi. J’ai fait de la bouffe pour quinze alors que l’on est que cinq. J’avais aussi commandé un énorme gâteau pour l’anniversaire de Matthias, mais il ne vient pas non plus. Je vous préviens : il faudra tout manger.” “D’accord” a-t-on dit, prêtes pour le round. On a mangé comme des Porcinets puis, après avoir fait une petite sieste digestive, on est retournées chez Mère, pour la Saint-Nicolas suivante.
La bougie parfumée continuait de brûler, et Happy de péter comme une cornemuse. Les portes vitrées étaient entrouvertes, mais malgré cela, l’odeur était étrange, un sacré mélange de pets de chien et de senteurs de grenade. Mère était désolée. Elle a dit : “Je suis si triste que le chien ait mangé vos assiettes de Saint-Nicolas”. On a répondu : “Oh, ce n’est rien, on a bien mangé chez papa”.
Je t’avais bien dit que cette Saint-Nicolas puait du cul.
Et de tous les autres orifices, d’ailleurs.

Quelle aventure merveilleuse de bout en bout… Ton père a des dégoûts sélectifs tout à fait fascinants.
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