18 juillet 2022. Une infirmière m’installe dans un petit local sans charme bénéficiant malgré tout d’une belle vue sur toute la vallée et plus encore. Quelques fauteuils en skaï aux couleurs pastel sont placés en rond au centre de la pièce. Certains sont en mauvais état, on croirait qu’un jaguar agressif y a fait ses griffes. Je m’y enfonce. C’est confortable, il y a même un appuie-tête. Le lieu est impersonnel ; à quoi est-ce que je m’attendais, on est dans un hôpital.
Les autres entrent un par un, d’abord interrogés par l’infirmière, et prennent place dans la ronde. On se regarde un peu en chiens de faïence, muets, calmes, sur la défensive. Je pense au fameux roman d’Agatha Christie, les dix petits nègres. Dix personnes qui ne se connaissent à priori pas sont amenées à se côtoyer pendant un certain laps de temps dans une villa ultra moderne construite sur l’île du Nègre. Ils ne savent pas exactement ce qu’ils font là, ils ont été appâtés par un millionnaire. Sur la table de la salle à manger sont placées dix statuettes de « nègres ». La première nuit, quelqu’un meurt assassiné. L’une des statuettes est retrouvée brisée sur le sol. La seconde nuit, une deuxième personne meurt, une seconde statuette a disparu, etcetera etcetera.
Si je veux être honnête, voilà à quoi je pense quand les autres participants entrent les uns à la suite des autres dans la pièce. Je pense : « Ils étaient sept » et vont passer ensemble deux semaines très intenses qui les rendront plus que probablement copains comme cochons, ou du moins, compagnons de déroute, mais en attendant, ces individus sont encore des inconnus pour moi, et je respire mal, en sachant très bien que si je suis là c’est que pas mal de choses dans mon existence sont sacrément parties en couilles.
Sur la table, pas la moindre statuette, seulement un distributeur de gel hydroalcoolique et un pack de mouchoirs version familiale, nous rappelant bien que ça va chialer à fond dans les chaumières.
