Récits

Monsieur Hibou

Oda (notre mouton alpha) a depuis quelques jours de graves problèmes intestinaux dont je te passerai les détails.
Cleo nous conseille un vétérinaire spécialisé en « vaches et moutons » en nous prévenant : le type est brut de décoffrage.
Cleo adore ses moutons. Elle est du genre a donner le biberon toutes les trois heures à son petit agneau alors qu’elle a le bras dans le plâtre. Quant au docteur Hibou, il est d’un tout autre acabit. Plutôt de celui qui dit à Cléo, à propos de sa brebis malade : « Je vais lui faire une injection. Mais je vous préviens : ça passe ou ça casse » avec un accent bien de nos campagnes.

Adèle appelle le docteur Hibou à la rescousse. Il lui dit : « Je peux venir rapidement. Mais vous savez les attraper facilement, vos moutons ? Parce que je ne me mets pas à les poursuivre dans toute la prairie, hein ! »
Adèle le rassure : nos bêtes sont sociables, et un appât fait de graines suffira à endormir leur éventuelle méfiance.

Monsieur Hibou arrive. Nous l’avons surnommé de la sorte car il est trapu, posé sur de courtes pattes arquées plongées dans des bottes en caoutchouc. Il a le visage fermé, à priori hostile, et de grands yeux ronds surmontés de sourcils broussailleux : ses aigrettes. Il est vêtu d’une veste sans manches et porte un énorme bidon en plastique comme s’il s’agissait de sa trousse de médecin. Il est tellement dans son jus qu’il porte même un béret vissé sur la tête. On croirait un personnage de « Retour à la terre » de Larcenet.

« Sont où, vos bestiaux ? » demande-t-il à Adèle qui le guide vers la prairie. « Un mouton, ça fait des petites crottes rondes : un point c’est tout. Si c’est liquide : hop, on vermifuge. Allez… attrapez-les un par un, on va en profiter pour les vermifuge tous. »

Etrangement, l’opération se déroule assez facilement, si ce n’est que l’on doit coincer Oda derrière la cabane afin de le piéger. Je me mets en travers de son chemin et Adèle plonge sur ses cornes, l’immobilisant telle un torero pendant que Maître Hibou lui vide la seringue dans le fond du gosier.

Durée de l’opération : dix minutes top chrono.

Hibou repart, plongeant ses billets dans le fond de sa poche et nous avertit : « Observez bien ses crottes et son arrière-train. Parce qu’il faut éviter que des mouches ne viennent pondre près de son cul. Car si ça arrive, elles deviennent des vers qui migrent dans ses organes et PAF, il est bouffé de l’intérieur. »

A cette évocation, nous devons blêmes, mais Hibou n’en n’a cure, c’est la loi de la nature.

Moi qui suis dans un tout autre registre, basé sur l’affect et l’amour de mon troupeau, je lui glisse un : « Ils sont adorables, n’est-ce pas ? » auquel il ne prend pas le peine de répondre.

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