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Mrs Dalloway – Virginia Woolf

« C’est ainsi que par un jour d’été les vagues se ressemblent, basculent, et retombent ; se rassemblent et retombent ; et le monde entier semble dire : « Et voilà tout », avec une force sans cesse accrue, jusqu’au moment où le coeur lui même, lové dans le corps allongé au soleil sur la plage, finit par dire lui aussi : « Et voilà tout » Ne crains plus dit le coeur. Ne crains plus, dit le coeur, confiant son fardeau à quelque océan, qui soupire, prenant à son compte tous les chagrins du monde, et qui reprend son élan, rassemble, laisse retomber. Et seul le corps écoute l’abeille qui passe ; la vague qui se brise ; le chien qui aboie, au loin, qui aboie, aboie. »

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La vie d’Andrès Mora – Claudine Desmarteau

J’aime bien cette collection « Sygne » de chez Gallimard, proposant des romans un peu en marge, souvent axés sur un humour déjanté (Fabrice Caro publie dans celle-ci)

Celui-ci n’échappe pas à la règle. Il est drôle, caustique, d’un humour plutôt sombre et se dévore au lieu de se lire.

Benoît Cardan est un écrivain dont la carrière semble être sur des rails, jusqu’au jour où son éditeur refuse son nouveau manuscrit. Afin de rester dans le coup, il élabore un plan quelque peu… désabusé.

« Ce qui ne l’a pas tué ne l’a pas rendu plus fort. C’est tout le contraire. Ce qui ne l’a pas tué l’a rendu plus vulnérable. Plus méfiant. Moins téméraire. Plus fragile, physiquement, surtout. C’est le coeur qui s’en est pris plein la gueule. Tout ce qui ne l’a pas tué l’a rendu mélancolique. Tout ce qui ne l’a pas tué s’est accumulé en lui. »

« La vie d’Andrès Mora » de Claudine Desmarteau – Gallimard (Sygne)

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Roald Dahl : la polémique

Cher Gary,
Tu me connais, je suis plutôt d’un tempérament flegmatique. Mais il n’empêche que parfois, je sens la moutarde me monter au nez et mon poil se hérisser sous le coup d’une violente colère. Rien ne m’agace plus que la bien-pensance. Et justement, il y a quelques jours d’ici, un individu lambda s’est levé quant à lui de fort belle humeur et s’est dit : « Tiens, si j’allais transformer les très vilaines phrases de ce bougre de Roald Dahl ? ». C’est simple. On traque les aspérités, puis on les gomme afin de rendre le tout impeccable, bien lisse. Ça, c’est une première chose. Une chose abjecte qui demande un culot tout aussi abject. La seconde chose, je te la demande : qui es-tu, ô toi, individu lambda pour oser t’autoproclamer ainsi police du bon goût et te permettre de toucher à la colonne vertébrale d’une oeuvre ? Qui es-tu pour oser t’attaquer à Roald Dahl, LE maître ? Ce que tu n’as visiblement pas compris, c’est que Roald Dahl est par nature irrévérencieux. Roald Dahl, c’est l’innocence de l’enfance aux prises avec la malveillance et la cruauté des adultes. C’est la moquerie, le sarcasme, la démesure. Roald Dahl, ce sont des personnages aux mauvaises aspirations, au vocabulaire défectueux. C’est l’insulte lancée dans la cour de récré. Et si tu n’as pas compris cela, individu lambda, j’en suis fort navrée pour toi car il te manque de la vie son sel et son amertume.