22 octobre 2021. J’ai gardé Hannah. Au début, tout se passait vraiment bien. On était calmes et sereines. En accord parfait. Une vraie photo pour catalogue Catimini. On a donné un bain imaginaire à sa poupée, nommée sobrement “Bébé”. J’ai posé Bébé dans sa petite baignoire rose. J’ai dévissé les bouteilles miniatures de shampoing. Puis j’ai proposé que Bébé puisse s’amuser avec des jouets dans son bain. “Oui” a approuvé Hannah, en jetant dans la baignoire un chien en plastique, un petit bébé brun et un petit bébé blond. J’ai suggéré que le cochon puisse lui aussi aller dans le bain, après s’être roulé dans la boue, mais Hannah n’a pas approuvé. Elle s’est saisie du cochon, a dit “Non, Tata” et a lancé le pauvre malheureux a l’autre bout de l’appartement. Très rapidement, j’ai pris conscience que ma nièce ne laisserait que peu de place à mon imagination débordante et à mes initiatives. Les trois personnages devaient être posés sur le rebord de la baignoire dans un ordre très strict et si Chien se posait à gauche au lieu d’être au centre, il se faisait sévèrement recadrer (“Non, Chien”). Après avoir fait ces gestes vingt-trois fois de suite, je me suis sentie un peu lasse. Alors j’ai appliqué une technique utilisée par les plus grands pédagogues de ce monde : la diversion. Je me suis emparée d’une boîte contenant un memory et j’ai proposé que l’on y joue, parce que, d’après moi, Bébé était maintenant propre comme un sou neuf après ses 23 bains. Ma manœuvre a semblé fonctionner. Je ne suis pas inconsciente. Je sais que ma nièce est trop jeune pour faire un memory, mais je comptais lui en proposer une version simplifiée. Je me suis mise à étaler les cartes sur le plancher, face illustrée sur le dessus, selon un quadrillage très minutieux afin de lui faciliter la visibilité du jeu. Je pensais lui demander de trouver le double de ceux que je lui laisserais dans son escarcelle. Au bout de trois secondes à peine, elle m’a fait comprendre qu’elle n’entendait pas partager avec moi ce moment d’apprentissage. D’un geste brusque, elle a balayé mon installation et s’est couchée dessus, sur le ventre, en agitant les bras tel un nageur en s’écriant “Mimi, Mimi!”, mimant de façon assez bluffante sa mamy qui, chaque jour, obéit à son programme d’immersion en eau froide en se plongeant dans la piscine glacée. Elle a littéralement brassé les cartes que je m’appliquais à poser, m’obligeant à revoir ma pédagogie. Désoeuvrée, mécomprise, j’ai vidé le reste de la boîte de cartes sur son dos, pour son plus grand bonheur, et le jeu est devenu un peu plus proche d’une installation d’art contemporain. Bien entendu, j’ai dû recommencer la manœuvre un nombre incalculable de fois puis, voyant tout à coup que quelques cartes étaient restées dans le four de sa nouvelle cuisinière (on en avait mis quelques-unes à cuire), je les ai prises et les ai ajoutées elles aussi sur son dos. Malheur ! Apparemment c’était la chose à ne pas faire, ces cartes devaient rester dans le four, et ça a mis Hannah d’humeur chafouin, elle s’est levée d’un geste brusque, les cartes sont tombées dans un petit bruit sur le sol, et elle est partie s’asseoir derrière la poubelle où elle a boudé un petit moment, insensible à ma promesse de remettre les cartes au four. Parfois, Gary, lorsqu’on s’occupe d’un bébé de deux ans, on est amené à vivre des journées plus qu’étranges. Un rien surréalistes, je dirais même.
Adèle et moi étions peinardes, installées dans le canapé quand Caro nous a appelées. « Comment ça va, les soeurs ? ». Cette question somme toute banale n’a l’air de rien – simple formalité simple politesse – mais quand elle survient, il faut s’en méfier comme de la peste et de préférence y répondre par un gros mensonge. On n’est pas des lapins de six semaines, on sait qu’il est cruel de répondre à une mère célibataire qu’ici tout va bien, qu’on boit de la tisane et qu’on s’envoie un marbré au chocolat en regardant les oiseaux s’ébrouer. Alors on brode un peu. Pour éviter toute jalousie. « Oh ça va. Adèle a beaucoup de travail et là je suis en train de faire la vaisselle. Et toi ? ». « J’essaye de nettoyer mon appartement mais ce n’est pas facile parce qu’Hannah est dans mes pattes, qu’elle est en mode vermisseau sous amphétamine et qu’elle demande avec insistance pour aller dehors. »
Il faut dire que ma nièce, de par sa nature à moitié danoise, possède les gênes du grand air et du froid et qu’elle fait comme qui dirait une légère obsession pour l’extérieur, montrant du doigt avec insistance la baie vitrée en disant « Han. Han » ce qui, dans son langage, signifie « Si tu ne m’emmènes pas dehors dans la minute, je ferai de ta vie un enfer ». Parfois même, elle s’empare de son bonnet, son écharpe et son manteau et tente de les enfiler elle-même, histoire que l’on comprenne bien le message. Et souvent, de par cette menace, elle fait de nos vies … un paradis. Un paradis où il est question de mettre un manteau, de filer dans le froid et de la suivre dans le jardin, à faire invariablement et des heures durant les choses qui suivent : transvaser du sable dans un seau, tremper la main dans la vasque aux oiseaux pour en extraire les graines et les donner à manger au chien, faire signe au bonhomme vert et déposer un caillou dans sa brouette. Multitude d’activités passionnantes et ô combien enrichissantes.
Adèle et moi, on s’est dit que c’était tout de même incroyable, ces mères célibataires qui ne supportent pas la moindre contrariété, mais vu qu’il s’agit de la famille, on peut rendre service. Adèle, se levant comme une seule femme a dit à Caro « On va emmener le Pimousse à la plaine de jeux pendant que tu fais ton ménage. Tu vas voir : On va te la fatiguer un peu et comme ça, ce soir tu seras tranquille ». J’ai supposé que le « on » voulait dire qu’elle m’impliquait dans son grand projet et que je n’avais pas le choix.
C’est comme cela que nous avons brisé la monotonie de notre vie monacale afin de nous dépêcher sur une mission improbable.
Je n’en ai pas l’air comme ça, mais j’ai déjà une petite expérience en la matière. Pas plus tard que le semaine précédente, je m’y étais rendue avec Caro afin qu’elle fasse mon écolage. Il faisait beau. Il y avait des adultes qui, deux par deux, accompagnaient leurs enfants. Tous des couples de trentenaires blancs hétérogenrés et une femme enceinte avec sa mère. Première info qui a son importance : il faut être deux à la plaine de jeux. Soutien mutuel ? Personne n’est assez fou pour vivre seul pareil calvaire ? A priori pas forcément rassurant.
La femme enceinte et sa mère m’ont semblé sympathiques. Nous avons échangé quelques mots. Hannah s’est immédiatement prise d’amour pour son fils. Elle l’a serré dans ses bras. Mais très vite, il a vu une petite fille de son âge qu’il a jugée plus intéressante et il s’est rendu près d’elle en lui demandant comment elle s’appelait et si elle voulait jouer avec lui. La petite fille lui a sorti un « Non » cruel et catégorique sur lequel il n’y avait pas matière à débattre. Marius semblait extrêmement interpellé par ce verdict sans appel et il a demandé à sa mère, un sanglot dans la voix : « Pourquoi elle ne veut pas jouer avec moi, la petite fille ? ». Sa mère lui a dit qu’elle n’en savait rien, mais qu’il pouvait peut-être demander directement à la principale intéressée, conseil qu’il s’est empressé de suivre en demandant : « Pourquoi tu ne veux pas jouer avec moi ? » et elle a dit : « Je n’ai pas envie ». Là, on a vu toute l’incompréhension du monde passer dans son regard et il a dit à sa maman : « Peut-être qu’elle dit non mais qu’elle pense oui ? » et là, je me suis lancée dans une grande conversation avec la maman sur le consentement, sur le fait qu’il fallait inculquer très tôt cette notion aux petits garçons et on allait en arriver à parler en mode « Achtagmitou » et balancer des porcs quand Caro m’a renvoyé sa fille, qui voulait aller sur le toboggan, en lui disant « Demande à Tata ».
J’ai emmené l’enfant vers le toboggan et soudain, en observant tous ces couples autour de moi, il m’est venu une idée à laquelle je n’avais encore jamais pensé parce que c’était la première sortie de notre trio hors de la maison. J’en ai immédiatement fait part à Caro : « Tu as conscience qu’on va souvent nous prendre pour un couple de lesbiennes ? » Et elle m’a répondu « Oui, je viens de m’en rendre compte. C’est pour ça que j’ai crié à Hannah : « Va voir près de Tata » ». Puis elle a ajouté : « Ce n’est pas que je ne veuille pas passer pour une lesbienne, mais si un jour il y avait une chance infime pour que je me fasse draguer à la plaine de jeux par un père célibataire, je ne voudrais pas que tu foutes mon coup en l’air ».
La femme enceinte est revenue près de nous et elle a dit à Marius : « Va chercher Mamita ». Là, je me suis écriée : « Oh ! Mamita ! C’est comme chez nous, ça ! » parce que Belle-Maman se fait appeler Mamita par Hannah. La femme a interpellé sa mère : « Oh c’est fou maman ! Madame s’appelle aussi Mamita ! » Et là, croyez bien que je suis restée comme deux ronds de flanc et Caro m’a dit : « T’inquiète, tu ne passes pas pour une lesbienne. Mais pour une grand-mère » et elle a ri d’un rire que j’ai trouvé sardonique.
J’ai dit à ma soeur : « Je sais que j’ai beaucoup de cheveux blancs, mais le médecin a dit que c’est à cause de l’accélération de mon vieillissement cellulaire » « Ton amie Solange dit que ça fait un peu vilaine femme qui tue des dalmatiens » « Oui, peut-être, mais Mélanie trouve que ça fait un peu artiste contemporaine. Et ça, c’est bien ».
Ensuite on a fait connaissance avec un couple et leurs deux enfants. Par politesse plutôt que par pure curiosité, j’ai demandé comment s’appelait leur petite fille et ils m’ont répondu « Blanche ». Là, je me suis exclamée : « Oh, Caro ! C’est sa copine Blanche ! » et la mère de Blanche m’a regardée d’un air intrigué. C’est parce que c’est devenu une blague à la maison.
Je vous explique.
Quelques jours plus tôt, Père avait emmené Hannah à l’Intermarché. Il faut savoir que Père adore l’Intermarché. C’est son lieu de rendez-vous. Il y rencontre chaque jour à la pause de 10 heures quelques vieux covidiens et ils s’asseyent sur les marches en toussant dans leurs masques et en buvant du café dans des gobelets en plastique. Je ne juge pas Père. Peut-être ferais-je pareil que lui si j’habitais Saint-Servais, que j’étais pensionnée, confinée à domicile et un brin sociable. Soit. Père nous avait envoyé une photo de Hannah qui jouait avec une petite fille pendant que son papy buvait son café. « Elle joue avec Rosie » était intitulée la photo. Et Rosie, c’est important de le dire, est noire. Africaine, si vous préférez. L’anecdote passe et, quelques jours plus tard, Caro m’appelle. Elle me dit : « Je suis à la plaine et Hannah se fait une nouvelle copine. Blanche ». Et là, il y a eu comme qui dirait un peu de confusion entre nous parce que je lui ai demandé : « Pourquoi est-ce que tu précises que sa copine est blanche ? C’est important pour toi ? ». « M’enfin Natha ! C’est son prénom, Blanche. Elle s’appelle juste Blanche ».
Maintenant vous comprenez pourquoi je me suis écriée : « Oh! C’est sa copine Blanche ! » quand la maman m’a dit son prénom. Caro m’a glissé « Ce n’est pas elle. C’est une autre Blanche ». « Oui mais c’est quoi cette mode d’appeler toutes les petites filles Blanche ». Puis j’ai demandé à la femme comment s’appelait son petit garçon et elle a répondu « Jean », ce qui n’est pas un prénom d’enfant, vous en conviendrez. « Ils sont d’un âge très rapproché », ai-je dit, fière de pouvoir lancer des sujets de conversation que je n’ai jamais eus, entre adultes responsables de descendance. « Ce sont des jumeaux », m’a répondu la mère de Blanche et Jean, et ma soeur m’a dit : « Tu ne fermerais pas un peu ta gueule, pour changer ? ».
j’ai dit à Caro. « Tu as vu, notre vie, comme elle est devenue ? Hier encore on snifait des rails de coke dans des soirées électro et aujourd’hui on est dans une plaine de jeux en train de faire tourner un bébé dans un carrousel en demandant à une femme enceinte quand elle a prévu de mettre bas ».
Puis il y a eu cette situation effrayante : des enfants se sont assis autour de Hannah, tous en cercle, et leurs parents se sont approchés (à la plaine il faut suivre les enfants) formant à leur tour un cercle autour du cercle.
J’ai dit à Caro : « J’ai peur. Je crois que je vais faire une crise d’angoisse ». « A cause du Covid ? » a-t’elle demandé (et c’est vrai que ce n’était pas très Covid-friendly, comme situation), mais j’ai répondu « Non, de me retrouver à faire une activité de parents ». Alors on est rentrées.
C’est donc forte de cette première expérience que je suis allée prêter main forte à Adèle. On a pris le bébé, la poussette, Doudou et le lapin en peluche que l’on a nommé « Karl Marx » et on a filé à la plaine sous un vent glacé.
Heureusement pour nous, il n’y avait pas grand monde ce jour-là, sans doute parce qu’il faisait un froid à se geler le cul. Je dis heureusement pour nous, parce qu’Adèle, qui est déjà de nature asociale à la base n’aurait pas supporté l’épreuve de la petite conversation badine entre parents et j’avais peur qu’elle ne me fasse une crise à la Munch, un beau remake du cri dans la plaine de jeux. Il faut savoir que ma soeur souffre de quelques légers troubles se situant à divers endroits du prisme autistique et qu’à cela s’ajoute un humour noir à faire pâlir Morticia Addams et – ce n’est pas tout – elle a tiré bénéfice de la crise Covid pour ne jamais plus sortir de la maison. Elle ne s’est plus acheté de vêtements, n’a fait qu’une seule fois des courses alimentaires en un an, a décidé de laisser pousser ses cheveux jusqu’à la fin de la pandémie puis voyant qu’elle ressemblait de plus en plus à Hagrid a finalement opté pour une coupe maison qui lui sied fort bien. Une somme d’éléments qui font que je craignais un tant soit peu sa première sortie dans le grand monde.
L’amener là, au milieu d’une plaine de jeux c’était comme sortir un animal au comportement très incertain – Normalement elle ne mord pas, vous pouvez vous approcher, mais ça reste un animal, hein, on ne peut pas toujours anticiper ses réactions, soyez quand-même prudents.
Hannah a voulu monter les marches qui menaient au toboggan. Alors j’ai dû la suivre, afin d’éviter qu’elle ne tombe la tête la première dans les escaliers et que nous n’ayons à en découdre avec sa mère. Arrivée sur le premier palier, elle a voulu continuer son ascension et je me suis retrouvée sur le territoire d’un petit garçon. Il a tenté d’entrer en contact avec moi et je me suis accroupie à sa hauteur pour qu’il sache que je ne désirais pas le dominer mais plutôt essayer de comprendre ce qu’il baragouinait afin d’établir une communication non-violente basée sur le respect mutuel.
Il était question de camion et de cailloux. J’avais un peu l’impression d’être la Jane Goodal des plaines de jeux. j’ai traduit à Adèle : « Je crois qu’il voudrait retourner près de son camion pour transporter des cailloux ». Elle a répondu d’un air pincé « Je m’en contrefiche ».
Il faisait un froid mordant et je commençais à craindre que ma soeur ne se mette à mordre les enfants alors j’ai dit : « On rentre à la maison ? », mais Hannah, visiblement, ne l’entendait pas de cette oreille car elle s’est mise à chouiner, comportement qu’elle adopte désormais dès que la frustration de l’existence pointe son nez. Adèle, qui a plus d’un tour dans son sac, m’a dit : « Attends, je vais détourner son attention. Hannah ? On va aller voir les canards ? » et Hannah a mimé un bec de canard qui s’ouvre et se ferme avec sa petite main, ce qui voulait dire qu’elle était d’accord avec le nouveau projet éducatif de ses tantes. Adèle lui a crié à travers toute la plaine : « N’oublie pas Karl Marx. Il est là-bas, la gueule dans la sable » et je crois qu’on nous a regardées bizarrement. Hannah est partie illico bras dessus bras dessous avec Karl Marx, direction les canards.
« Pauvre petit garçon sur le toboggan, ai-je dit. On voyait bien qu’il n’est pas fort stimulé à la maison. Il parlait vraiment très mal, le petit chou ». « Il est stupide » a tranché Adèle. « Et en plus Il avait une bulle verte qui lui sortait du nez. Ca me dégoute. Je déteste les enfants. Ils disent des choses idiotes et ils ne se mouchent pas le nez. »
On est rentrées éreintées et mortes de froid, la chandelle au nez. Caro avait eu le temps de faire son ménage.
On s’est affalées dans les canapés, lessivées, et Hannah nous a grimpé dessus en sautant en en criant « Tatatatata !!! ».
Caro a dit : « Je vois que vous l’avez bien fatiguée. Merci, les soeurs ».
« De rien », a-ton répondu. « Nous, ça nous fait plaisir de rendre service »
Mardi soir. Je rentre de vacances. Trainant ma lourde valise derrière moi, détendue comme il se doit, la peau bronzée, toujours chaussée de mes clapettes et vêtue de mon paréo, je crie « Yassas ! Salut les culs blancs! » à Caro et Adèle, qui sont effectivement aussi blanches que le cul d’Edward Cullen en plein hiver.
Faut croire qu’elles savaient que j’allais me la ramener et que ça ne leur a pas plu, parce qu’elles avaient profité de mon absence pour me tendre un piège.
Elles ont énoncé, d’un ton sans appel et comme si c’était une évidence : « Vendredi, on va chez Ikea pendant que tu gardes Hannah ».
Je n’ai même pas eu l’occasion de protester, de dire que moi aussi je voulais aller traîner dans les showrooms et manger des boulettes de renne. Elles avaient même préparé leurs arguments parce qu’elles ont prévenu, bien avant que je puisse verbaliser quoi que ce soit : « Ils ont fermé le restaurant ».
Vendredi matin. Voilà le jour J.
6h45. Bébé a réveillé toute la maisonnée. Ce n’est pas grave, il fallait de toute façon se lever.
7h12. Adèle veut se faire un oeuf sur le plat parce que sinon elle ne va pas pouvoir manger de toute la journée. Soudainement, je m’inquiète de la durée de l’évènement. « Mais euh… vous comptez partir toute la journée ? » « Ah oui, me dit Caro, on ne rentre que dans l’après-midi. Le dîner d’Hannah est dans le frigo ».
7h13. L’oeuf d’Adèle est pourri. Elle doit le jeter. Elle est dégoûtée des oeufs à vie. C’est bien fait pour elle, ça lui apprendre à aller chez Ikea sans moi.
7h52. Caro me donne quelques infos avant de partir : J’ai mis ses vêtements ici, avec un body en plus si jamais elle fait caca et que ça déborde. Elle me voit faire la moue et ajoute : « Rassure-toi, c’est pure spéculation car ça n’arrive pour ainsi dire jamais ».
8h. Je dis à Bébé : « Voilà, les culs-blancs sont parties. A nous la baraque et la belle vie. On va faire une teuf de malade ». Bébé me regarde avec ses yeux d’inuit et lève les deux bras au-dessus de la tête en signe d’acquiescement. Ca va chauffer.
8h02. Happy s’approche de nous. Merde, je l’avais presque oublié celui-là. Le fait qu’il soit là complique un peu la donne.
Il faut savoir que Bébé, Chien et moi, ce n’est pas forcément la combinaison gagnante. Plutôt la triangulation de l’Enfer. Les arcanes de la jalousie et du laxisme. En gros, Chien est jaloux de mon amour pour Bébé. Il se roule à mes pieds mais il est dangereux pour Bébé alors je soulève Bébé dans les airs pour la protéger mais Bébé veut aller par terre alors elle grinche, ce qui énerve Chien qui bondit sur mes genoux. En général, à ce stade, l’affaire étant totalement hors de contrôle, je me mets moi aussi à geindre d’impuissance et Mère, qui désapprouve fortement la situation, arrive et nous sépare tous les trois en disant qu’on est impossibles.
Sauf que là, on était seuls. Pas grave, on est des débrouillards.
8h18. Je dépose Bébé par terre pour qu’elle puisse crapahuter à son aise, mais Chien est jaloux alors il arrive, se couche entre elle et moi, demande une caresse, mais c’est dangereux qu’il reste à côté de Bébé, surtout qu’elle s’apprête à lui enfoncer les doigts dans les trous de nez. Je n’ai pas envie qu’il lui dévore le visage alors je soulève Bébé et je la pose dans son parc. Jusque là, tout est cousu de fil blanc. Je connais la situation sur le bout des doigts. Je gère. Mais Bébé ne veut pas aller dans son parc. Alors elle crie. J’ordonne à Chien d’aller se coucher dans son panier. Chien, exceptionnellement, obéit. Je sors Bébé du parc pour qu’elle puisse jouer par terre. Bébé va chercher Chien dans son panier. Bébé ne peut pas aller dans le couloir de Chien. Bébé le sait très bien. Mais Bébé teste les limites de Grande Tata. Je dis « Non ». Bébé me regarde, sourit, et avance encore d’un cran. J’explique : « Tu ne peux pas aller dans le couloir du chien. C’est son espace vital. On a chacun droit à son espace vital ». Là, je ressens très fort ce que je dis, et je me trouve des petits airs de Françoise Dolto. Mais Bébé avance quand-même. Je dis, avec ma voix de GPS : « Faites demi tour dès que possible ». Ca marche. Je prends un peu d’assurance. Je sens que je gère carrément la situation alors je décide d’augmenter le niveau de difficulté et de vider le lave-vaisselle. Confiante, j’ouvre le lave-vaisselle. J’en sors une assiette. Bébé arrive. Elle veut mettre sa main dans les couteaux. « Non, Bébé, tu ne peux pas ». Bébé arrête. Chien arrive. Il lèche les couteaux. « Non, Chien, tu ne peux pas ». Chien s’en va. Je vais ranger mon assiette dans le meuble. Bébé en a profité pour faire un numéro d’équilibriste sur le lave-vaisselle. Je me souviens des paroles de Mère : « Si tu veux faire quoi que ce soit, dépose Hannah dans son parc ». Je dépose Hannah dans son parc. Elle crie. Elle ne veut pas être prisonnière du parc. Je la sors du parc. Je viderai le lave-vaisselle la semaine prochaine.
8h40. Bébé montre des signes de fatigue. Je vais la mettre dans son lit. En montant les escaliers, je remarque qu’elle refoule de l’arrière-train. Une forte odeur de bouche d’égout. Je la pose sur la table à langer. J’ouvre le lange. Apocalypse. J’envoie un massage à Caro : « Tu disais que les cacas qui débordent étaient rares, mais je te confirme qu’ils existent ». Elle me répond par un émoticône de gros caca. Je sens qu’on se fout de ma gueule, dans cette famille.
8h43. Je m’effondre sur le canapé, ravie d’avoir droit à un temps de récupération. J’entends des bruits à l’étage. Des grands bruits. Comme si quelqu’un déplacait des meubles. Ca ne peut pas être Bébé. Ou alors Bébé est en mode exorciste. Ca continue. Un vrai Ramdam. Je m’inquiète. Bébé serait-elle sortie de son lit pour déplacer la garde-robes ? Je monte les escaliers, sur le qui-vive, un exemplaire de « L’ami des jardins » en mains, prête à sauver Bébé des griffes d’un léopard. J’entrouvre la porte de la chambre. En fait, Bébé tape ses pieds dans la bibliothèque pour s’endormir. Ah ok d’accord.
Je redescends.
Il est 8h45 du matin.
Je suis à bout de forces.
Comme le veut la tradition, on organise avec Bébé la réunion débriefing de Georges Clowny.
Vous vous en doutez, je n’ai absolument pas eu le temps de regarder ma montre. Si je vous note ces heures précises de la journée, ce n’est rien d’autre qu’un procédé littéraire. Une figure de style qui me permet d’installer un certain suspense.
Nous en étions donc à 8h45. Je pose Bébé dans son parc et j’installe tout le monde autour d’elle : Georges Clowny (chef de service), Rosalie, Léon le paon et toute la clique des joyeux drilles. Je commence la réunion. Léon le paon se plaint : « Georges est encore en retard ». Sophie la girafe, toujours prompte à balancer son prochain, répond : « Je l’ai vu dans le couloir, il buvait un Nespresso ». Bébé grinche. Elle n’aime pas les retards systématiques de Georges. Rosalie, amoureuse du clown (d’ailleurs, ils iraient très bien ensemble, ces deux-là, parce qu’ils sont tous les deux très moches ( je ne sais pas si c’est un critère qui rapproche les êtres)), lui trouve toujours des excuses : « Il a eu une nuit difficile. On a eu trois plaies par balle ». Bébé rigole. Je me demande si elle n’est pas encore un peu jeune pour entendre parler de tant de violence, mais je ne tiens pas non plus à ce qu’elle grandisse dans un cocon où on la préserverait des vicissitudes de ce monde. D’ailleurs, elle se frotte les yeux et elle met sa tétine en bouche, preuve qu’elle préfèrerait aller faire un petit somme que d’entendre parler de plaies par balles. Je la pose dans son lit. Il est 9H.
9h02. J’observe le lave-vaisselle d’un air las. Je le viderai le mois prochain.
9h05. Je ferais bien un petit somme, moi. C’est un conseil que m’ont donné les Mères : « Dors en même temps que ton enfant ou le burn-out parental arrivera en courant ». Je ne veux pas faire de burn-out parental. Je veux préserver ma santé mentale. Je sombre.
11h. Bébé se réveille. Du coup moi aussi. Je me sens un peu plus en forme même si la sieste a été courte.
« On va faire de la balançoire », dis-je à Bébé. Bébé adore les sensations fortes. Chien nous suit. Il aime les expéditions au jardin. On se balance doucement, pour éviter les gerbes de lait. J’ai la hantise des gerbes de lait. Bébé rit beaucoup.
Comme je suis un être très créatif, j’invente un jeu. Et une règle. « Dorénavant, chaque fois que l’on fera de la balançoire, il faudra chanter la chanson de la balançoire. Elle devra commencer par « Ce soir » et finir par une rime en « oir », OK ? ». Bébé est d’accord. « Je commence. Ce soir, je vais faire le trottoir. Ce soir, je vais briser un miroir. Ce soir, pour ne plus jamais me voir ». Bébé semble aimer ma chanson. Elle muse.
Soudain, au loin, on aperçoit Franklin.
Franklin, c’est le nouveau robot qui tond la pelouse. Une tortue, si vous préférez. D’où son nom. (Franklin la tortue, vous me suivez ? Même la Caste-des-Sans-Enfants ?).
Je n’aime pas Franklin. Je sais que c’est ingrat de ma part, car il oeuvre à nous rendre service. Il a des horaires réguliers, rentre dans sa cage sur le temps de midi pour prendre sa pause syndicale, semble avoir une attitude irréprochable.
Mais, depuis que j’ai vu l’épisode de Black Mirror avec les chiens robots tueurs, je suis mal à l’aise devant lui. J’ai osé parler de ce sentiment à Mathilde qui m’a confié ressentir la même chose. Elle a même dit : « Moi, je suis sûre qu’il nous écoute », ce qui ne m’a pas aidée à adopter Franklin comme faisant partie intégrante de la famille.
Je disais donc que c’est à ce moment-là que Franklin est arrivé dans les parages. Bébé aime bien Franklin. Elle l’observe attentivement. Mais elle a tendance à être imprudente et à parler devant lui. Alors je lui ai expliqué : « Chhhht, Hannah. Il nous écoute ». Visiblement, elle ne connait pas encore le code du doigt devant la bouche parce que ça la fait rire aux éclats. A cet instant, Franklin ne fait plus que gambader : il fonce droit sur nous à toute berzingue. Quand j’ai vu Chien fuir, j’ai immédiatement fait confiance en son instinct de survie animal. Je me suis emparée d’Hannah, je l’ai extraite de sa balançoire et nous avons fui à toutes jambes jusque dans la maison. « On l’a échappé belle », ai-je dit à Bébé. Chien s’est recouché dans son panier. Toutes ces émotions fortes, décidément, ce n’est plus de son âge.
11h50. Bébé crie. C’est l’heure du repas. Visiblement, elle tient de sa Grande Tata et mute en cas de faim. Je lui donne sa panade. Une cuillère pour Bébé, une cuillère pour Grande Tata. Bébé plonge les mains dans sa panade. Cela m’étonnerait que ma sœur lui laisse faire ce genre de choses, mais j’ai lu un article de Céline Alvarez qui dit que l’enfant absorbe le monde à travers le prisme des sens, en particulier le toucher. Bébé connait déjà les interdits. Elle me lance un regard interrogateur. « T’inquiète, avec Grande Tata, on peut ». Chien arrive. Il ne raterait pour rien au monde un repas de Bébé car elle laisse parfois tomber des miettes. Là, pour le coup, elle lui tend carrément ses mains qu’il lèche avidement. C’est une bonne chose. J’ai vu un documentaire sur Netflix qui expliquait que les Bébés qui côtoyaient des chiens et des chats échangeaient avec eux certains germes, boostaient leur système immunitaire et vivaient centenaires.
13h. Bébé prend sa tétine et se frotte le visage avec son doudou, signe qu’il est temps de la mettre au lit.
13h05. Je ferais bien une petite sieste, pour ne pas céder au burnout qui me guette à nouveau. Je m’allonge sur le canapé.
13h10. Mes sœurs rentrent de chez Ikea. Je sursaute. Elles me sortent de ma torpeur. « Vous êtes déjà là ?! » Elles observent le salon, médusées. Tous les jouets qui sont venus à la réunion de Georges Clowny jonchent le sol. Bébé a renversé son biberon d’eau qui s’est vidé en goutte à goutte, formant une immense flaque d’eau. Tous les livres sont sortis du tiroir, explosés sur le canapé (Bébé voulait les lire tous). De la panade sèche sur le sol et dans les moustaches du chien. Caro s’exclame : « Mon dieu, mais c’est le dawa, ici ! ».
Adèle ajoute : « Natha, tu sais que si tu avais eu des enfants… ils seraient entre les mains des services sociaux ? ».
Je sais : ce titre vous en bouche un coin. Et pourtant, pour une fois, il n’est ni racoleur ni mensonger : il est simplement vrai.
Car oui, j’ai gardé ma filleule Salomé.
Pendant un week-end entier.
Disons que j’essaye de ne pas en faire une habitude, mais ce n’est pas pour autant que c’est la première fois que ça m’arrive, de garder un enfant :
Mes petites sœurs sont nées alors que j’étais adolescente et j’en connais un rayon grâce à elles.
Promis, on sera sages, Natha
D’ailleurs, c’est moi que mon amie Christine appelait quand Naima est née pour que je lui prodigue quelques conseils.
J’avais 18 ans quand ma filleule Aglaé est née. A cette époque-là, ma tante jouait dans une pièce de théâtre et me la confiait pendant des soirées et nuits complètes, et on peut dire que la situation était totalement sous contrôle.
J’ai emmené mon filleul Elias en vacances à Marseille pendant une semaine entière. On a manqué rater le train du retour parce qu’on est allés jouer au Bingo et que l’on a gagné le premier prix, à savoir un poisson de 15 kilos sur son lit de glace et qu’il a fallu le transporter dans Marseille puis le déposer dans la soute à bagages sous le regard ahuri des voyageurs, mais à part cela, il est rentré en un morceau chez lui, le cœur empli d’un mirifique séjour durant lequel il a embroché des pieuvres et joué avec des petits camarades.
Il m’est arrivé de partir en vacances avec mes amis et leurs enfants.
Pas plus tard qu’il y a 15 jours, j’ai gardé mon filleul Félix et son frère pendant que Mel-bichon et Monsieur Fred s’octroyaient une petite sortie.
Et j’ai bien géré, y compris quand le petit chou de quatre ans m’a demandé : « Dis Natha, pourquoi mon zizi il se lève ? ».
Et, pour en revenir à Salomé, ce n’est pas la première fois que je la garde.
Elle est déjà venue passer une nuit chez moi alors qu’elle était bébé, et, je tiens à le préciser, DE MA PROPRE INITIATIVE.
En tant que marraine exemplaire, j’avais proposé à mes amis Catherine et Ivan de la prendre à la maison une nuit entière.
« Elle te réveillera vers six heures du matin », m’ont-ils averti. « Un dimanche ce n’est pas ce qu’il y a de plus top. », ont-ils continué. Mais rien n’y a fait. Je n’en démordais pas. Et comme je devais travailler le lendemain, ce n’était pas grave qu’elle me réveille tôt, bien au contraire.
Devant mon insistance, ses parents l’ont finalement laissée entre mes mains expertes.
Ils sont donc venus déposer le paquet cadeau chez moi, un soir de février.
La soirée s’est bien déroulée, on a fait des gouzigouzis et des zouglouglous.
Mais ensuite est venue l’heure du dodo.
J’ai posé le petit être sur sa couche, dans un lit parapluie (c’est comme ça qu’on dit ?) à côté du mien.
Quand je suis allée me coucher, des « Oh » interrogatifs (« Oh ? ») et exclamatifs (« Oh ! ») ont émergé du petit lit. Puis des babillages. Suivis de longs monologues philosophiques. Des ongles qui grattaient le plastique du lit. Des succions de tétine. Des onomatopées par milliers. Du mouvement. Une tête qui dépasse. Qui me regarde. « Oh oh !!! », me disait la tête souriante, visiblement ravie de me découvrir dans les parages.
Je n’ai pas fait un doctorat en science du bébé, mais il était très clair que cette enfant avait toutes les envies sauf celle de dormir.
Yo Marraine, monte le son
Je me suis donc extraite de ma couette douillette pour aller la chercher et l’installer près de moi. Très vite, ce nouveau territoire est devenu « the place to be », et Salomé s’en est donné à cœur joie. Elle a fait la java, a dansé la salsa, la rumba et la bossa nova pendant toute la nuit, à un tel point que je me suis demandé si je n’avais pas par inadvertance troqué sa veilleuse contre une boule à facettes.
Elle semblait ravie.
Et moi aussi.
Vers cinq heures du matin nous nous sommes finalement endormies.
Et à huit heures ma délicate sonnette nous a réveillés en sursaut.
Catherine et Ivan, couques à la main, réalisant à ma tronche éparpillée qu’ils me tiraient du lit se sont écriés « Mais ! C’est dégueulasse ! On vous réveille ? Et dire qu’avec nous elle ne se réveille jamais après six heures et demie ! C’est pas juste ! Tu en as de la chance !».
Si,si, ils ont même dit « Tu en as de la chance » …
Enfin, bref, j’ai déjà fait du baby-sitting.
Alors, quand Salomé (8 ans) m’a demandé de venir passer un week-end chez moi, disons que je me suis sentie suffisamment aguerrie pour pouvoir dire oui.
Je suis donc allée la chercher chez elle samedi midi.
J’ai mangé un sandwich là-bas.
Enfin, disons que j’ai partagé MON sandwich, puisque la petite Elsa, cul nu, s’est installée sur mes genoux et a poigné dedans pour le mordre. Elle l’a ensuite reposé sur la table pour boire une grande gorgée dans mon Orangina, et ainsi de suite jusqu’à disparition dudit sandwich.
Même s’il n’existe aucune épreuve aussi extrême sur cette Terre que de partager sa nourriture, j’ai pris sur moi car, comme j’allais garder un enfant, il fallait que je fasse preuve de souplesse et de dévouement.
J’ai déjà assisté plein de fois à des scènes où des adultes donnent sans rechigner le dernier morceau de leur biscuit à un enfant qui le leur réclame, soit par sacrifice, soit parce qu’ils sont « au-dessus de tout cela ».
Personnellement, je me suis toujours insurgée contre ce comportement, car au nom de quoi devrais-je donner ma nourriture ? Juste sous prétexte qu’il s’agit d’un enfant ?
Tenez, les moches
D’abord, on est allées chez Mère (qui n’était pas là : vous voyez que j’étais seule avec un enfant) pour profiter de sa piscine.
Comme de bien entendu, c’était le seul jour où il faisait froid, mais Salomé m’a obligée à la suivre.
Elle avait les lèvres bleues, ce qui n’avait rien pour me rassurer, alors j’ai tenté de la blouser en lui disant : « Ok, je te suis, mais je m’assieds sur le flamingo » (vous comprenez ? En théorie, je suis dans la piscine, et en pratique, je ne touche pas la flotte).
Si, si, c’est bien moi sur la photo
Bien entendu, quand j’ai voulu grimper sur la bouée, j’ai basculé d’une façon fort peu gracieuse dans l’eau glacée.
Ma filleule, tout de go, a riposté : « C’est bien fait pour toi, Natha. Parce que tu ne voulais pas y aller ».
Après, nous sommes allées voir les chevaux au manège.
Mais ils étaient tous partis en promenade, donc on s’est rabattues sur l’observation des koïs de la mare.
On leur a fait un petit shooting photos pour pouvoir les dessiner une fois à la maison.
Ci-dessus : un koï, un scarabée aquatique qui envoie des décharges électriques et un lapin des mers.
Ensuite, on a créé un bracelet en enfilant des perles (quelle galère) et puis, avec ce bracelet, on a joué à cache-objet.
Le soir, je lui avais dit que nous irions manger au restaurant chinois, donc on s’est fait belles (Salomé s’est un peu maquillée. Quant à moi, je suis restée avec ma beauté au naturel).
Quand on est arrivées chez Chen, le restaurant était complet et je n’avais pas réservé donc on s’est retrouvées Gros-Jean-comme-devant (j’adore cette expression) sur le perron du restaurant.
Salomé m’a dit : « Ce n’est rien. On pourrait aller manger des sushis ». Ce qui m’a impressionnée de la part d’une petite fille de huit ans. Puis elle est redevenue petite fille en mettant sur un même pied d’égalité la proposition suivante : « Ou alors on va chez Quick. »
Je lui ai dit : « On fait ce que tu préfères. »
Et c’est comme ça que je me suis retrouvée chez Quick, en train de manger son hamburger qu’elle n’a pas daigné toucher (c’est qu’elle a un instinct de survie développé) tout en la regardant jouer avec d’autres enfants, fascinée, parce qu’à son âge, je serais restée collée dans les jupes de ma mère sans oser partir à l’aventure dans les toboggans du Quick. C’est peut-être un drôle d’indicateur, mais c’est là que je me suis dit : « Ma filleule va bien ».
Ensuite, elle a voulu retourner chez ma maman (qui était rentrée) et elle a carrément brossé tout le monde dans le sens du poil.
Elle a mangé le ramen préparé par Adèle en lui disant que c’était meilleur qu’au restaurant.
Elle a demandé à Mère qu’elle lui montre son jardin (qui est sa plus grande fierté) et elles sont parties main dans la main cueillir des fraises pour le dessert.
Elle a demandé à Adèle si elle pouvait « lui parler un peu de mode » et elles sont parties explorer son dressing (qui est sa plus grande fierté).
Ensuite, on est rentrées chez moi et elle m’a dit : « Je n’ai pas envie de dormir. Si on faisait une nuit blanche ?! ».
Décidément, elle veut en faire une tradition.
J’étais très fatiguée, mais j’ai eu honte de vouloir aller me coucher avant un enfant de huit ans donc j’ai dit OK et on a regardé un film de gym sur Netflix, confortablement installées dans mon lit.
A minuit dix, j’étais soulagée qu’elle se soit endormie, car du coup, j’ai pu dormir aussi.