Lecture

Jung : un voyage vers soi – Frédéric Lenoir

On sent qu’Akatek apprécie à leurs justes valeurs les théories de Jung, Carl Gustav de son prénom. Si comme lui ou moi vous n’avez aucune notion de psychanalyse, je trouve que cet ouvrage est une bonne entrée en la matière.

« Mes œuvres peuvent être considérées comme autant de stations de ma vie ; elles sont l’expression de mon développement intérieur, car se consacrer aux contenus de l’inconscient forme l’homme et détermine son évolution, sa méta­morphose. Ma vie est mon action, mon labeur consacré à l’esprit est ma vie ; on ne saurait séparer l’un de l’autre. Tous mes écrits sont pour ainsi dire des tâches qui me furent imposées de l’intérieur. Ils naquirent sous la pression d’un destin. Ce que j’ai écrit m’a fondu dessus, du dedans de moi-même. J’ai prêté parole à l’esprit qui m’agitait. »

Lecture

Guérir à deux voix – Irvin Yalom et Ginny Elkin

Une fois sa rédaction terminée, j’ai fait lire mon livre « Le ver est dans la pomme » au docteur Valium. Evidemment, ça n’a pas loupé, elle est partie de certains passages de celui-ci pour alimenter ma thérapie (on ne se refait pas) et elle m’a dit que ces allers-retours lui faisaient drôlement penser à une expérience menée en son temps par le grand psychiatre Irvin Yallom. Il a demandé à l’une de ses patientes, aspirante écrivain, de lui rendre un compte-rendu écrit de chacune de leurs séances, compte-rendu que lui rendrait également de son côté. C’est donc ainsi que se présente « Guérir à deux voix » : une succession de séances racontées par l’un puis par l’autre. Cette expérience a été déterminante dans sa carrière car il s’est très rapidement rendu-compte que (selon le docteur Valium) « là où le psychiatre pense avoir exposé une grande théorie, le patient, quant à lui, a surtout retenu que le psychiatre s’est souvent curé le nez ». Un porte-à-faux à mon avis inévitable et qui fait tout le sel de « la rencontre ».

J’étais donc très emballée d’entamer ce livre, mais j’ai rapidement déchanté, jusqu’à ne pas pouvoir continuer plus loin qu’au tiers de ma lecture. Ce Irvin Yalom, dont on dit tant de bien, me semble être un gros pervers (je sais, mon opinion est très pro) qui se soucie un peu trop fort de l’impression qu’il laisse sur sa patiente et semble jouer un jeu écoeurant, vérifiant régulièrement qu’elle fantasme à mort sur lui. Beurk, débectant.

Récits

Séjour en Asie

22 juin 2022. Je suis assise sur une chaise de bar chez Mélanie. Elle me sert un grand coca-light avec des glaçons et m’accompagne avec du vin blanc tout en débitant les courgettes du futur repas en petits dés.

Les enfants sont nerveux, excités, plein d’emphase. Elle leur crie de se calmer, vainement. Alors elle dit : « Si ça continue, je vous fous devant la tablette ! » Puis elle me regarde et, réalisant ce qu’elle vient de dire, s’exclame : « Je rêve ou je viens de les menacer avec des jeux vidéos ?! Je ne dois pas être toute juste, moi ».

N’empêche, ça fonctionne. On ne les entend plus. On peut enfin mener notre conversation de la plus haute importance.

Elle me dit :

– Je trouve que c’est positif, cette histoire d’hôpital, mon Bichon.

Comme je ne vois pas très bien où se situe le positif dans le fait de séjourner dans l’aile psychiatrique d’un hôpital, je lui demande de développer. Elle donne des arguments somme toute évidents : cela peut m’aider à trouver des pistes de guérison, accélérer le processus. Puis elle ajoute :

– Et, sait-on jamais, tu vas peut-être rencontrer l’homme de ta vie !

– Tu veux dire parmi les malades ?

– Oui. Ou parmi le personnel soignant, c’est comme tu préfères.

– Tu me vois sortir avec mon psychiatre ?

Elle réfléchit un instant. Semble trouver que non.

– Mais tu pourrais rencontrer un dépressif dans un atelier de vannerie-pleine-conscience !

– Ce serait top. Deux dépressifs en couple.

– Oui, vous vous comprendriez.

– On se tirerait mutuellement vers le bas.

(Je réfléchis)

– Ce serait plutôt inhabituel. Original.

– Digne de toi.

– Mais qu’est-ce qu’on répondrait à l’habituelle question : « Comment vous êtes-vous rencontrés ? » A l’asile ?

– Je ne sais pas. Cela dépendra de l’ambiance que vous voudrez créer. Parce que c’est indéniable que ça produirait son petit effet dans une soirée. « On s’est rencontrés en psychiatrie et entre nous, ça a été le coup de foudre ».

– L’électrochoc.

– Oui, du haut voltage. Et si jamais cela vous mettait mal à l’aise, vous pouvez toujours utiliser un nom de code. Par exemple : « On s’est rencontré en Asie »

– En Asie ?

– Non. En Asile.

On se marre. On glousse. Elle se ressert une rasade de vin blanc pendant que je fais tinter mes glaçons dans le fond de mon verre. J’ajoute :

– Le Docteur Valium m’a dit qu’on y mangeait très bien.

– En Asie ? Oui, on mange beaucoup de riz.

– Non, je voulais dire en asile.

– C’est possible. Par contre les douches sont très froides. J’ai lu ça sur « Tripadvisor » Pour tout te dire, elles sont même glacées.

– Par contre le jet est très puissant.

– Et après tu peux te sécher dans des peignoirs. Mais ils sont bizarres, les peignoirs en Asie : ils n’ont pas de manches.

– Et l’architecture est très étrange. Il parait que les murs sont mous.

– Ah bon ? Tu m’apprends quelque chose.

Elle lève son verre.

– Trinquons, déclare-t-elle solennellement.

– A quoi ?

– A ton futur séjour en Asie.

– A l’Asie, lui dis-je en claquant mon verre de Coca sur son verre à vin.