Récits

La montagne, ça vous gagne

Un célèbre adage dit : « on ne naît pas tous égaux ». Et c’est vrai. Moi, par exemple, j’aurais pu grandir dans une famille d’oisifs. Chaque été, nous serions partis à la Costa del Sol avec pour tout bagage un tube de crème solaire à indice 50, un bikini à pois, un paréo, une paire de tongs et des lunettes de soleil avec montures à paillettes.

Les efforts de la journée se seraient limités à porter le parasol jusqu’à la plage, éviter (ou non) de le planter dans les orteils de hollandais à la peau cramée, se retourner régulièrement afin d’égaliser le bronzage avant-arrière, et éventuellement marcher en clapettes jusqu’au bar à smoothie de la digue.

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Seulemnt il n’en n’est rien.

Car avec mon bol légendaire, j’ai grandi dans une famille de sportifs.

Et je ne te parle pas de sportifs à la petite semaine, de ceux qui sortent le vélo le dimanche en proposant d’un ton doucereux : « Allons faire une ballade d’une demie-heure le long du rivage », non. Je te parle des pires sportifs existant sur Terre : les montagnards.

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Ceux qui te font marcher pendant huit heures d’affilée dans des sentiers tellement escarpés que même les chèvres te regardent t’éloigner d’un regard mi apeuré mi impressionné.

Ceux qui te font monter un col à vélo pendant tellement de kilomètres que même Eddy Merckx déciderait qu’il doit d’abord lever un peu le pied sur les pommes-frites avant de venir pédaler avec eux.

Ceux qui te demandent, frais comme des gardons : « Alors, elle t’a plu, cette petite excursion? » quand même Maurice Herzog aurait considéré une seule journée avec eux comme étant un exploit de plus à afficher à son palmarès.

Ceux qui te conseillent de pédaler avec tes bottines de marche, comme ça tu déposes ton vélo au col et puis tu vas marcher quelques heures jusqu’au sommet, « Et si on tient compte de la partie de pétanque qu’on fera après (rendez-vous ce soir au boulodrome, va falloir niquer leur race aux français qui nous ont mis la misère hier soir), alors on aura inventé un triathlon d’un genre nouveau : vélo-marche-pétanque, c’est trop cool ».

Ceux qui pensaient réellement qu’après le vélo-marche jusqu’au lac tu aurais encore la niaque de venir avec eux dézinguer ces connards suffisants de fransquillons. (Non, toi tu te vautres dans le canapé et tu bousilles 75 vies de Farm heroes saga rien que pour le niveau 167)

Ceux qui te font souffrir de ce que j’appelle communément « le syndrome de Cora », en hommage au personnage interprété par Karin Viard dans les randonneurs. Car dès que Cora (la dernière de la meute) rejoint, en suant comme un phoque et à bout de souffle le reste du groupe qui l’attend, elle a juste le temps de jeter son sac à dos par terre en hurlant et s’effondrer le cul sur un rocher avant que tout le groupe ne redémarre (« Allons allons, la pause est terminée »).

(D’ailleurs, il n’existe pas un été où je ne pense pas à Cora ou aux légendaires phrases de Benoit Poelvoorde : « Chaque pas est une planche, chaque planche est un pas »,  » La marche n’est qu’une succession de chutes rattrapées »).

Ceux qui te font penser que les trois ou quatre heures de sport que tu fais chaque semaine avec ton coach tortionnaire ne sont en fait que l’entraînement pour te permettre de les suivre lors de la semaine annuelle de vacances. Enfin, les suivre…avec ton syndrome de Cora, il va sans dire.

Et pourtant, disait Jean Ferrat avec tant de justesse, « Pourtant que la montagne est belle ».

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Ci-dessus : Jean-Chri, tout beau au sommet de sa montagne

Et c’est qu’il avait raison, le bougre.

Irais-je jusqu’à dire que la magnificence du paysage vaut les litres de sueur perdus ? Irais-je jusqu’à affirmer que la splendeur des sommets n’est rien en comparaison de la douleur tenace qui vrille l’arrière-train de celle qui s’est brisé le coccyx quelques années auparavant et qui se remet en selle ?

La réponse est OUI. Un grand oui plein de force et de conviction.

Mais surtout… n’en dites rien à ma famille.

Ils risqueraient de découvrir qu’en réalité j’aime ça…

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