Cher Gary,
Tu me connais, je suis plutôt d’un tempérament flegmatique. Mais il n’empêche que parfois, je sens la moutarde me monter au nez et mon poil se hérisser sous le coup d’une violente colère. Rien ne m’agace plus que la bien-pensance. Et justement, il y a quelques jours d’ici, un individu lambda s’est levé quant à lui de fort belle humeur et s’est dit : « Tiens, si j’allais transformer les très vilaines phrases de ce bougre de Roald Dahl ? ». C’est simple. On traque les aspérités, puis on les gomme afin de rendre le tout impeccable, bien lisse. Ça, c’est une première chose. Une chose abjecte qui demande un culot tout aussi abject. La seconde chose, je te la demande : qui es-tu, ô toi, individu lambda pour oser t’autoproclamer ainsi police du bon goût et te permettre de toucher à la colonne vertébrale d’une oeuvre ? Qui es-tu pour oser t’attaquer à Roald Dahl, LE maître ? Ce que tu n’as visiblement pas compris, c’est que Roald Dahl est par nature irrévérencieux. Roald Dahl, c’est l’innocence de l’enfance aux prises avec la malveillance et la cruauté des adultes. C’est la moquerie, le sarcasme, la démesure. Roald Dahl, ce sont des personnages aux mauvaises aspirations, au vocabulaire défectueux. C’est l’insulte lancée dans la cour de récré. Et si tu n’as pas compris cela, individu lambda, j’en suis fort navrée pour toi car il te manque de la vie son sel et son amertume.
