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Les filles du manoir Foxcote – Eve Chase



« Rita se rappelle soudain ce que disait Robbie : quand un arbre géant s’écrase dans un bois, l’air et la lumière s’engouffrent dans cet espace, des graines dormantes s’épanouissent et une vie nouvelle tente sa chance, poussant tant bien que mal. »

Je pense que je ne serais pas forcément allée vers ce roman, mais Caro me l’a tendu et j’ai pu lire sur la quatrième de couverture : Angleterre, manoir perdu au milieu d’une forêt, alors j’ai dit : « Fais péter ». J’ai bien fait ! C’est un livre plaisant, avec un style étonnant, regorgeant de métaphores toutes plus justes les unes que les autres, une ambiance sylvestre omniprésente et un mystère de plus en plus complexe. Étonnamment, je plussoie.

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Raison et sentiments – Jane Austen

« Mrs Jennings écrivit pour raconter la fabuleuse histoire, décharger sa sincère indignation envers la « déserteuse » et épancher sa compassion pour ce pauvre Mr Edward qui, elle n’en doutait pas, avait été très attaché à cette bonne à rien de gourgandine et qui se trouvait à présent, aux dire de tous, le coeur presque en miettes à Oxford. »

« Raison et sentiments » de Jane Austen – Romans éternels

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Un mariage en dix actes – Nick Hornby

« Aujourd’hui, je veux parler de l’avenir, reprend Tom.
-Très bien.

-Je veux savoir où il est passé.
-Ah.
-Je l’ai perdu de vue. Autrefois, je le voyais droit devant moi, et je marchais vers lui d’un pas décidé, doigt tendu, comme
ces travailleurs des affiches de propagande soviétique. Il était brillant, lumineux, plein de, de … Bon, je ne sais pas de quoi il était plein.
-De champs de maïs dorés, d’usines et de tanks ?
-Ouais. Mon équivalent, du moins.
-A savoir ?
-Je ne m’en souviens plus.
-Tu ne te souviens plus de l’avenir ?
-Non. »


Ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable, même si le principe est chouette (un couple se rejoint chaque semaine dans un pub et discute avant leur séance de thérapie conjugale) et les dialogues sont poussés parfois jusqu’à un absurde amusant, mais aucune profondeur, tout reste toujours en surface.

« Un mariage en dix actes » – de Nick Hornby – traduit de l’anglais par Christine Barbaste – 10/18

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Tout le bonheur du monde – Claire Lombardo

Bon, vous l’aurez compris, ni Stanislas ni moi n’avons été transfigurées par cette lecture dont l’histoire avait pourtant tout pour me plaire : quatre soeurs élevées par des parents aimants, quatre destinées. Les personnages sont attachants, certes, et le roman se lit tout seul, mais j’ai trouvé qu’il manquait de profondeur au niveau de la psychologie des personnages. Il ne me laissera donc pas un souvenir impérissable, même si j’ai cru comprendre que, de manière générale, il avait beaucoup plu.

« Tout le bonheur du monde » de Claire Lombardo, traduit de l’américain par Laetitia Devaux – Rivages

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Ma chienne Tulip – Joe Randolph Ackerley

Quel étrange petit livre que celui-là… Dans mon empressement à dévorer ce que j’appellerais « la littérature canine », je l’ai ajouté à ma bibliothèque. La couverture est sympa, la quatrième aussi, et j’adore cet éditeur. Qu’en dire ? Le narrateur (visiblement l’auteur lui-même) nous décrit sa relation fusionnelle avec son chien, ce qui est un point de vue tout à fait intéressant si ce n’est que ce récit précisément manque d’intérêt. Au fur et à mesure des pages, j’ai même été gagnée par un sentiment de malaise car il semble en parler comme d’une femme, une partenaire de vie, une femelle (une chienne, quoi). Ce qui sauve le livre et m’a permis de le lire entièrement, c’est la langue. Datant de 1956, la prose est belle, précise et précieuse, comme je l’aime.

Ma chienne Tulip – JR Ackerley – traduit de l’anglais par Alain Defosse – Editions Cambourakis

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Broadway – Fabrice Caro

« Elle me demande alors d’aller allumer un cierge pour que Lila meure. Cette requête me prend de court, je reste un instant interloqué. Jade, on ne peut pas allumer un cierge pour que quelqu’un meure, ça n’est pas le…concept du cierge…Elle me lance un regard chargé tout à la fois de stupéfaction et de haine, semble soudain ressusciter, se ranimer, et se met à m’invectiver de sa voix usée par les larmes, Je croyais que tu étais prêt à tout pour moi ? C’est ça ? C’est ça ton rôle de père ? C’est de te défiler dès que je te demande un service ? Je ne demande jamais rien putain! Je tente de la calmer, je lui dis d’accord, d’accord pour retourner à l’église, d’accord pour la prière, d’accord pour le cierge, mais pas pour qu’elle meure, ça je ne veux pas, trouvons un compromis. Elle me fixe en silence, comme une lionne évalue la distance entre un jeune gnou et elle. Alors disons le coma. – Non plus, pas dans le coma. S’ensuit alors une interminable négociation de marchands de tapis complètement surréaliste : Alors handicapée – Non plus, pas handicapée, un peu blessée tout au plus. – Une blessure qui s’infecte, on doit l’amputer – Non, la blessure ne s’infecte pas, elle lui fait rater le lycée pendant un mois – Six mois, et elle revient isolée, terne et déprimée, personne ne veut même plus l’approcher parce qu’elle a une horrible cicatrice qui lui barre le visage – Non. Nous finissons d’accord sur borgne. « 

« Broadway » – Fabrice Caro – Collection Sygne de chez Gallimard

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La petite femelle – Philippe Jaenada

« Je suis comme les bébés, quand la nuit tombe, j’ai besoin d’un whisky. Eux, les pauvres, ne peuvent que pleurer, hurler, gémir pour les plus coriaces, passer seuls ce moment bancal, triste et inquiétant de la fin du jour – on m’en parlait, je n’y croyais pas jusqu’à ce que je le constate sur mon fils, lors de ses premiers mois sur terre : dès qu’on commence à respirer, on a sobrement, profondément conscience d’un malheur vers dix-sept heures en hiver, plus tard en été, la sensation de perdre quelques chose. Ensuite, avec l’âge et l’entraînement, on se débrouille, certains passent des coups de fil ou regardent n’importe quoi à la télé, d’autres se mettent à courir autour du pâté de maisons en tenue de sport, ma femme joue de la trompette, les plus fatalistes ou plus faibles boivent quelques verres. De whisky donc pour moi. Ça m’aide, m’éloigne, estompe le changement de lumière, mais à cinquante ans, vingt ans, comme à six mois, même enfoui, le malaise persiste. Surtout, ces temps-ci, quand je pense à Pauline Dubuisson. »

Ainsi s’ouvre le livre de Philippe Jaenada, relatant un « fait divers » ayant défrayé la chronique en France dans les années 50 : Pauline Dubuisson, belle jeune femme dans la vingtaine, a abattu son amant.
Philippe Jaenada rouvre son dossier et, richement documenté, se met à déconstruire toutes les rumeurs et les ragots qui sont allées bon train à l’époque, jusqu’à faire d’elle un monstre. Son but n’est pas de l’innocenter, mais de recontextualiser les évènements afin de rendre un peu d’humanité à la meurtrière. Pour ce faire, il retrace toute sa vie, dans un style flamboyant, sincère, drôle, et même déjanté parfois. On lit le déroulement de sa vie à elle, certes, mais également son avis à lui sur la question, emprunt d’un amour démesuré et d’un soupçon de mauvaise foi. Expert de la digression, il n’hésite pas à ouvrir des parenthèses sur certaines anecdotes personnelles, toujours hautes en couleur (je pense notamment à l’hilarant récit d’une cuite lors de la remise d’un prix littéraire qui, à elle seule, vaut le détour).
Mon humble avis : J’ai adoré, même si j’y ai trouvé pas mal de longueurs et de redites (le bouquin fait tout de même 750 pages).

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Jung : un voyage vers soi – Frédéric Lenoir

On sent qu’Akatek apprécie à leurs justes valeurs les théories de Jung, Carl Gustav de son prénom. Si comme lui ou moi vous n’avez aucune notion de psychanalyse, je trouve que cet ouvrage est une bonne entrée en la matière.

« Mes œuvres peuvent être considérées comme autant de stations de ma vie ; elles sont l’expression de mon développement intérieur, car se consacrer aux contenus de l’inconscient forme l’homme et détermine son évolution, sa méta­morphose. Ma vie est mon action, mon labeur consacré à l’esprit est ma vie ; on ne saurait séparer l’un de l’autre. Tous mes écrits sont pour ainsi dire des tâches qui me furent imposées de l’intérieur. Ils naquirent sous la pression d’un destin. Ce que j’ai écrit m’a fondu dessus, du dedans de moi-même. J’ai prêté parole à l’esprit qui m’agitait. »

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Le chien de Madame Halberstadt – Stéphane Carlier

De Stéphane Carlier, j’avais lu « L’enterrement de Serge » avec un plaisir incroyable car j’avais découvert « un grand auteur ». Les livres de Stéphane Carlier, simples en apparence, sont en réalité de petites pépites, d’autant plus qu’ils sont à l’image de ses héros : humbles et sans prétention, craignant de ne pas laisser de fortes impressions derrière eux. Et pourtant, il nous en reste une truculence certaine ainsi que beaucoup de joie. Ses récits jouent toujours avec les clichés, mais tout en finesse, sans jamais y tomber, ce qui relève d’une grande prouesse. Et puis, surtout, on rit. On rit beaucoup, et on est émus, aussi, par ces situations cocasses dans lesquelles on est parfois jetés bien malgré nous.

Baptiste, écrivain, a connu des jours meilleurs. Son dernier roman a fait un flop, sa compagne l’a quitté pour un dentiste et, à bientôt quarante ans, il est redevenu proche de sa mère. Il passe ses journées en culotte de survêtement molletonné, à déprimer dans son studio qui sent le chou… Jusqu’à ce que Madame Halberstadt, sa voisine de palier, lui demande de garder son chien quelques jours.

« Notre prise de contact fut glaciale. J’avais autant envie de garder ce chien que de passer une coloscopie et lui ne semblait pas dans de meilleures dispositions. (…) Sa morphologie me fascinait. Ces yeux sortant légèrement de leur orbite, ce bout de langue à l’air libre, ces pattes ridicules, cette absence de cou. Il n’y avait rien de normal chez cet animal, tout en lui était trop gros ou trop petit. Sa respiration, courte et très sonore, était celle d’un être chétif, modifié, qui manquait d’oxygène. (…) On aurait dit E.T. On aurait dit une vieille dame snob à cheval sur ses principes mais profondément bonne. On aurait dit Angela Lansbury dans Arabesque ».

« Le chien de Madame Halberstadt » de Stéphane Carlier – Le Tripode

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Guérir à deux voix – Irvin Yalom et Ginny Elkin

Une fois sa rédaction terminée, j’ai fait lire mon livre « Le ver est dans la pomme » au docteur Valium. Evidemment, ça n’a pas loupé, elle est partie de certains passages de celui-ci pour alimenter ma thérapie (on ne se refait pas) et elle m’a dit que ces allers-retours lui faisaient drôlement penser à une expérience menée en son temps par le grand psychiatre Irvin Yallom. Il a demandé à l’une de ses patientes, aspirante écrivain, de lui rendre un compte-rendu écrit de chacune de leurs séances, compte-rendu que lui rendrait également de son côté. C’est donc ainsi que se présente « Guérir à deux voix » : une succession de séances racontées par l’un puis par l’autre. Cette expérience a été déterminante dans sa carrière car il s’est très rapidement rendu-compte que (selon le docteur Valium) « là où le psychiatre pense avoir exposé une grande théorie, le patient, quant à lui, a surtout retenu que le psychiatre s’est souvent curé le nez ». Un porte-à-faux à mon avis inévitable et qui fait tout le sel de « la rencontre ».

J’étais donc très emballée d’entamer ce livre, mais j’ai rapidement déchanté, jusqu’à ne pas pouvoir continuer plus loin qu’au tiers de ma lecture. Ce Irvin Yalom, dont on dit tant de bien, me semble être un gros pervers (je sais, mon opinion est très pro) qui se soucie un peu trop fort de l’impression qu’il laisse sur sa patiente et semble jouer un jeu écoeurant, vérifiant régulièrement qu’elle fantasme à mort sur lui. Beurk, débectant.

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L’homme-miroir – Lars Kepler

Cela faisait bien deux ans que je n’avais pas lu un bon polar bien dark made in « un pays sans chaleur et sans lumière ». J’avais entre autres lu la série « Dark secrets » de Hans Rosenfeldt, que je recommande mais dont les histoires, à côté de celles sorties des cerveaux torturés de Lars Kepler (association mari et femme) semblent sorties de celui d’un enfant de choeur.

Lars Kepler, c’est bien connu, ne fait pas dans la dentelle, et ce dernier tome n’échappe nullement à la règle. Who putain que c’est glauque ! C’est quoi, mon problème, à lire des trucs pareils et, en plus, à ne pas savoir le lâcher ? Je dois être une grande malade mentale, je ne vois que ça…

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Caitlin – Arnaud Nihoul

Adolescente, Caitlin débarque du jour au lendemain sur une petite île écossaise, mettant en émoi un trio d’amis formé depuis l’enfance et bousculant leur équilibre. Bien des années plus tard, elle disparait mystérieusement. S’ouvre alors une enquête implacable afin de la retrouver. Mais cette enquête, rendant chacun suspect, ne laissera pas la petite communauté indemne…

Regroupant plusieurs ingrédients parfaits (une île battue par les vents, un enquêteur revenant sur les lieux de sa jeunesse, un mystère intriguant), « Caitlin » ne faillit pas à ses promesses en dévoilant au fur et à mesure de la lecture des questions de plus en plus nombreuses, créant un suspense insoutenable. Un livre prenant au style soigné, l’auteur excellant à rendre les ambiances îliennes, faisant du lieu un personnage à part entière.

« Cette faille, c’était comme mettre la force du large en éprouvette, la faire exploser dans cette fracture chaotique. La puissance de l’océan retentissait d’être contenue entre ces deux parois abruptes, projetant ses crêtes d’écume en tous sens. Le flot claquait sur la roche, en déflagrations successives, dans un décor infernal où en venait à imaginer que l’eau pourrait vaincre le roc et l’emporter avec elle comme une plume dans le vent. Et toutes les minutes environ, une vague plus forte que les autres recouvrait les amas rocheux de deux mètres qui tapissaient le fond du gouffre, faisant tout disparaître dans un bouillonnement assourdissant.« 

« Caitlin » – Arnaud Nihoul – Genèse édition