Hier, pour l’anniversaire de Sophie, André a organisé un lancer de haches.
D’habitude, le samedi après-midi, je suis plutôt tisane et petits gâteaux, mais comme j’ai quand-même quelques comptes à régler avec l’une ou l’autre personne créant en mon for intérieur des problèmes de rage, le docteur Valium, grande pédagogue devant l’éternel, m’a invitée à profiter de l’activité pour imaginer fendre quelques crânes.
« C’est simple, me dit-elle. Vous transformez mentalement la cible en têtes de personnes provoquant votre courroux et vous visez entre les deux yeux »
Il parait que cela s’appelle la thérapie par la haine, méthode qu’en des temps si troublés je ne peux que cautionner.
J’entre la première dans un repaire sombre, à la décoration austère. De grandes cages métalliques entourées de gros troncs d’arbres ornent l’entrée. Au bar sont accoudés quelques vikings tatoués vidant des bières.
Je suis vêtue de ma veste de pipiche turquoise assortie avec de grandes boucles d’oreilles brillantes et je m’assieds précautionneusement sur un rondin de bois, non sans l’avoir au préalable épousseté.
Sophie et ses invités me rejoignent et un organisateur nous explique les quelques règles du jeu : ne pas lancer la hache quand quelqu’un se trouve dans la cage, ne pas la lancer derrière soi, ne pas consommer d’alcools forts, ne viser personne, seulement la cible.
Nous commençons par un échauffement. Tout le groupe parvient à atteindre la cible, ne fût-ce que l’une ou l’autre fois, sauf moi, évidemment.
« C’est parce que tu es trop pacifiste, ma petite brebis des Tropiques » me rassure Sophie.
Alors je me concentre et puise dans mes réserves de colère et de haine. J’ai quelques oeufs à peler, de quoi faire une omelette pour une horde de vikings affamés, mais visiblement cela ne suffit pas. Ma hache rebondit, ou part se ficher dans les murs ou le plafond. Parfois, elle ricoche même jusqu’à revenir à nos pieds, nous faisant tous reculer avec effroi.
« Ce n’est pas un boomerang, Nath », m’indique Dédé.
Mais je ne perds pas espoir et continue mes tests avec acharnement. « J’espère qu’ils ont de bonnes assurances » rétorque Guillaume au moment où l’en entend une ampoule éclater sous le coup de ma hache, plongeant brutalement le couloir dans l’obscurité.
Je ne désespère pas pour autant, Garry.
Si la vie m’a bien enseigné une chose ces deux dernières années, c’est qu’il faut garder sa cible à l’oeil et ne point céder aux embarras ambiants. Alors, dans un ultime geste de désespoir, j’opère avec grand style un jeter d’une élégance rare, projetant ma hache en pleine cible.
Derrière moi s’entend la liesse d’une foule en folie.
Je l’ai eue.
En plein dans le mille, Emile.
Mon honneur est sauf.
Des crânes ont volé en éclats.
Ainsi qu’une ampoule led.


Ah, c’était pas « pour du beurre » alors mais « pour de vrai »… ou tout comme, quoi!
J’aime bien la dame viking de la photo!
Bonne semaine!
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Oui, tout pour de vrai !
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