Cher Stelios,

Quand on se réveille ce matin dans notre suite alsacienne, il y a de l’orage et il pleut des cordes.
Le blanc des cygnes qui se baladent sur le lac se détache du noir du ciel. C’est beau. On comptait aller randonner, mais je pense, sans vouloir faire d’esprit, que notre projet tombe à l’eau. On reprend directement la route, direction la Suisse.
On entame notre ascension vers les sommets. Je suis heureuse que ce soit Laurence qui conduise. Si c’était moi, on aurait déjà périclité depuis belle lurette au fond d’un ravin.
On arrive à l’hôtel. C’est un mix entre gîte, dortoir et refuge. Nous sommes seules dans le bâtiment, certainement à cause du Corona. Les deux seules sottes de touristes qui se risquent à voyager. Du coup, on prend nos aises. Surtout Joe qui part explorer les chambres, les salles de bain et la salle à manger en aboyant comme si des zombies menaçaient nos existences.

On part faire un petit tour de reconnaissance des environs. Je suis en clapettes et je tiens Joe en laisse. Laurence se marre. Elle s’exclame « Si seulement ta famille te voyait accoutrée comme ça en montagne, ils te renieraient sur le champ« , et elle envoie ma photo à Adèle qui répond : « Clapettes et chihuahua ?! Ca donne une idée du degré de difficulté de votre randonnée ».


On rentre à l’hôtel. Notre chambre est minuscule, et la déco, de fracture typiquement suisse, est réduite à son strict minimum : du bois sur le sol, sur les murs, sur les plafonds. On surnomme notre nouvelle chambre « la caravane », vu son exiguïté. Nous resterons là deux nuits.
Très vite, grâce à l’influence de nos personnalités hautement créatives, la déco de la caravane se dirige vers des influences plus bulgares ou post-soviétiques :
Nos valises sont ouvertes et éclatées sur le sol. Sur un cintre accroché à la fenêtre est suspendue la robe de nuit de Laurence, celle qu’elle appelle sa « nuisette de nudibranche » tant il est vrai que quand elle la revêt, la similitude avec la limace aquatique est confondante.
Il y a les odeurs de croquettes pour chien, qui se mêlent à celles de la casserole de soupe que l’on a posée négligemment sur une chaise. Pour parfaire le tout, une lampe rouge posée sur la table de nuit éclaire l’endroit d’une touche « travailleuses de la nuit ». On regarde un épisode de « Black mirror sur le PC. Ambiance et cotillons.

Le lendemain, on part en randonnée. Une vraie cette fois. Avec du dénivelé, des chaussures, un sac à dos, une gourde et tout et tout. On se rend vers un lac turquoise.

Puis on continue notre ascension du mont Salbit.
Oui, Stelios, le mont se nomme vraiment de la sorte. Sache que, comme d’habitude, je n’invente rien.


La pluie commence à tomber et les degrés tombent d’un coup, écourtant notre pique-nique.

Sur le chemin du retour, on croise un immense troupeau de chèvres qui, comme nous, redescend. Il y en a une en particulier qui s’intéresse fort à moi, jusqu’à m’approcher dangereusement. Laurence se moque « Tu n’as pas l’air à l’aise ». Je lui explique : « Disons que cela reste une bête sauvage dont on ne peut pas toujours anticiper les réactions. Il y a des chèvres qui se transforment en bêtes sanguinaires, cela s’est déjà vu ». Elle a l’air d’ignorer ce fait car elle leur tend la main, intrépide.

Les chèvres sont très intriguées par le chihuhua. Elles s’approchent de lui et le reniflent.
Joe, contrairement à moi, semble avoir une âme de berger. Sûr de lui, il aboie pour rassembler son troupeau de brebis égarées. Mais son aboiement provoque un peu de tumulte chez les bêtes et je m’enfuis en courant, de peur de me retrouver coincée dans un mouvement de foule du style concert de métal qui tourne mal.
Tout à coup, il commence à se rouler dans les crottes, certainement une tactique d’ethnologue qui essaie de camoufler son odeur pour se faire accepter du troupeau.
Laurence est obligée de l’immerger dans l’eau du lac afin de le rincer de cette odeur qui nous suit partout, chose qu’il est loin d’approuver, étant très peu réceptif à l’élément aquatique.


Finalement, on reste longtemps avec les chèvres. Si longtemps que j’ai l’impression de devenir une éminente spécialiste, la Dian Fossey suisse, celle qui a pu les observer dans leur milieu naturel. J’espère juste terminer autrement.

Et puis, il faut dire que je peux m’enorgueillir de mon expérience de bergère avec moutons. (Voir un épisode précédent).

En plus, je trouve que mes petites protégées et moi, on se ressemble un peu au niveau de la coiffure.

C’est à peu près tout ce que je voulais te raconter sur la Suisse, mon cher Stelios.
Car si je suis capable de te restituer quelques anecdotes, je reste toujours muette devant la beauté de ses paysages.




Il est trop mignon ton micro chien 😍
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