Cher Stelios,
Pour nous rendre en Grèce, nous sommes passées par l’Italie.
Se rendre en Italie en juillet 2020, il faut le dire, c’est quand-même mettre un orteil dans le dark tourisme. C’est jouer avec les limites. C’est adopter cette « pratique qui consiste à organiser la visite de lieux étroitement liés à la mort, à la souffrance ou à des catastrophes ». (Là, je te cite une ligne de Wikipédia, car je suis bibliothécaire et je mets un point d’honneur à toujours citer mes sources même quand elles sont pointues). Tu sais, il y a ces gens qui s’allongent dans des transats à Fukushima et qui, tout en sirotant leur Daïkiri fraises, s’exclament : « Oh, tu as vu la belle mangouste phosphorescente à trois yeux ?! ». Et il y a nous. Qui avons traversé une partie du pays le plus touché au monde par le Corona en tongs, l’appareil photo en bandoulière.


Je vais te dire, mon cher Stelios, que déjà en temps normal, on sent que l’ambiance de cette région est assez « Wopélop », alors je ne te dis pas ce que ça donne quand les quelques rares habitants au kilomètre carré ont été décimés. Point de vue festivités, on a quand-même connu plus feng-shui.

Il y avait des meules de foin, ça oui. Des rondes, des carrées, de style plutôt impressionnistes (que mon ami Claude Monet aurait aimé peindre), et même des installations plus contemporaines, à la Christo, bien emballées.

Il y avait des moissonneuses batteuses. Et des champs : des champs de blé (pour faire leurs fameuses pâtes), des champs de soleils et des champs d’ail.

Non, Stelios, je ne suis pas encore en train de faire un bête jeux de mots. Il y avait vraiment des champs d’ail et cela a suffi à notre émerveillement de peintres.

(D’ailleurs, pour comprendre mon dessin, il faut savoir que nous avions laissé Joe dans la camionnette pour aller réaliser un petit film. Le soir, en regardant la vidéo, on a compris qu’avec une bande son aussi surréaliste, on pourrait certainement concourir dans un festival d’art et d’essai).
Il y avait des rues désertes que l’on a arpentées sous un soleil de plomb. Vides.



Et des châteaux à tour de bras, construits là, au milieu de nulle part. Entourés de catapultes et d’engins de torture quasiment intacts. C’est à peine si l’on entendait pas encore le cri des soldats éjectés dans les airs.


D’ailleurs, en parlant de catapulte, je me suis fait piquer par une guêpe en rentrant dans la camionnette et la douleur et la surprise m’ont fait éjecter le chihuahua dans les airs.

Pour parfaire l’ambiance post-apocalyptique qui régnait, le soir, dans notre chambre d’hôtel, on a regardé « We need to talk about Kevin » et on a fait des cœurs avec les doigts tellement c’était Feng-shui. Tu ne connais pas ce film ? Mais si, Stelios, l’histoire de cet adolescent qui se le joue à la « massacre for Colombine » et qui zigouille ses camarades d’école.

Jean-Chri, qui avait toujours le mot pour rire, aurait dit « Une comédie irrésistible ».

Mais heureusement, l’Italie a plus d’un tour dans son sac et il y avait aussi des choses très positives.
Par exemple, il y a leur nourriture, qui est quand-même à se damner, il faut bien le reconnaître.

Et en ce qui concerne l’hydratation, disons que nous n’avons pas été en reste non plus.
Il y avait Giani-Paolo, que nous avons surnommé JP, chez qui nous avons dormi et qui nous a parlé de charcuterie et de fascisme, deux sujets typiquement italiens et qui se marient bien entre eux, qui nous a proposé d’aller boire un petit verre de Proseco dans le fond de son jardin. On était bien, là, à la nuit tombante, sous les étoiles, éclairées par une bougie et dévorées par les moustiques. JP nous expliquait que tous les habitants du village voisin étaient morts quand son fils est arrivé et l’a interrompu. Il est allé voir ce qui se tramait et on a profité du fait qu’il avait le dos tourné pour lui siffler l’entièreté de sa bouteille. On est rentrées dans la maison et, un peu pompètes, on lui a dit : « Désolées, on a tout bu ». Je crois qu’il l’avait mauvaise, le JP.
Sans oublier l’incontournable Spritz, obligatoire pour hydrater notre organisme par cette chaleur dévorante.




Mais par-dessus le marché, ce que l’on a préféré, mon cher Stelios, c’est qu’à l’hôtel, on avait une piscine rien que pour nous.

Et à ça je dis : « Cœur avec les doigts ».


Que c’est beau, une Italie déserte ! Vous étiez dans quel coin ?
Je confirme que la nourriture locale est abracadabrantesque. Je soupçonne d’ailleurs que c’est la véritable origine du syndrome de Stendhal. Mais forcément, la peinture et la sculpture sont bien plus nobles que la cuisine…
Enfin, c’est marrant que tu parles de daïkiri fraise pour illustrer le dark tourisme : il m’est souvent arrivé d’aller en siroter quelques-uns au feu Chi Chi’s en face de l’église Saint-Loup en descendant du bus 6 qui me permettait de quitter Malonne pour rejoindre la civilisation et le monde libre. A l’époque la reine des neiges était encore un simple conte d’Andersen donc chanter « Libéré, délivré » aurait été une rupture du continuum espace-temps, mais c’était bien cette ambiance-là.
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j’adore ! trop bien raconté !
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Très belles phtos !
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Merci !
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