As-tu déjà passé cinq jours d’affilée avec un enfant de moins de trois ans, Gary ?
Cela ressemble à s’y méprendre à la fameuse phrase Carambar : « Préfèrerais-tu avoir des sourcils en frites ou être suivi même dans les toilettes par vingt-huit canetons enragés ? », sauf que tu remplaces les vingt-huit canetons enragés par un enfant blond et crollé qui répète « Tataaa » à longueur de journée.
Je suis habituée. Elle me persécute de la sorte depuis qu’elle est en âge de se déplacer et d’émettre ce doux nom de Tata. Mais je pense bien que c’est la première fois que je passe cinq jours d’affilée avec elle.
Ce n’est pas une mince affaire.
A croire qu’elle est bionique ou envoyée depuis l’espace afin de détruire notre planète, s’attaquant en premier aux plus faibles d’entre nous. C’est comme les animaux : ils sentent que je suis incapable de leur dire non, alors ils me grimpent littéralement dessus, me réduisant à l’état d’esclave.
Le Pimousse me suit absolument partout en me racontant sa vie ou en me demandant des choses : Tataaa… tu parles à Bébé ? (Veux-tu bien faire parler Bébé ?) Tataaaa… quelle glace à quoi tu prends ? Tataaa… tu joues avec moi ?
Parfois, je la soupçonne de m’interpeller juste pour le plaisir de prononcer mon nom.
- Tata…
- Quoi ?
- Rien, Tata.
Elle est étrange, cette petite. Limite inquiétante, parfois.
Hier, par exemple, je l’observais alors qu’elle était en train de jouer avec Bébé-Petit. Elle le tenait dans ses bras quand soudain, je la vois jeter le poupon dans l’escalier. Il dévale les marches et échoue violemment tête contre sol en contrebas.
« Oooh, pauvre bébé. Il a mal » s’étonne Hannah. Elle fait semblant de pleurer, puis le rassure. : Je vais te soigner, mon chéri.
Quelques jours auparavant, elle lui avait tendu les bras au milieu des bégonias qui regorgeaient d’abeilles en disant : « Pauvre Bébé, il va se faire piquer, peut-être » Et en effet, cela n’a pas manqué, Bébé-Petit s’est mis à pleurer sous les piqures de guêpes avant de se faire soigner par Hannah à coup de désinfectant et de pansements.
- Il faudrait peut-être avertir les services sociaux, me dit Célia. Car il parait que les enfants procèdent par imitation de leur entourage.
- Je crois qu’elle a le Syndrome de Munchausen perpétré. Ce fameux syndrome où la mère rend volontairement son enfant malade afin de le soigner ensuite et le garder sous son joug.
Une autre fois, elle négocie ferme avec sa mère une demande de jouer avec Bébé Fraises dans les escaliers. Caro lui répondant non sans relâche, elle la menace, en levant les mains en l’air et prenant un air désolé :
- Alors tu n’auras plus d’enfant.
- Non mais je rêve ou elle est en train de m’avertir que si je ne la laisse pas jouer dans les escaliers elle va se casser pour toujours !!! s’écrie ma soeur, scandalisée par tant d’audace.
- Je pense bien que c’est ce qu’elle est en train de te dire en substance, reconnait Célia.
Moi je dis que ça promet des lendemains qui chantent.

Courage ! Un jour elle va aller à l’école et ça va aller mieux. Il faut juste tenir le coup jusque-là.
Et un jour sans prévenir ça deviendra une adolescente et tu regretteras les douces années de sa petite enfance.
J’aimeJ’aime